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520 LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — TROISIEME SÉRIE. Après (lue Caïphe a dit du Seigneur : « Il est « l)ou qu’un seulhomme meure pour le peuple « et non pas que toute la nation périsse , » l’Evangile ajoute : « Or, il ne dit point cela de « lui-même ; mais, étant grand-prêtre de cette « année, il prophétisa que Jésus devait mourir « pour la nation ; et non-seulement pour la « nation, mais aussi pour qu’il rassemblât les « enfants de Dieu qui étaient dispersés *. » Les enfants de Dieu sont ici des honmies qui n’ap- partenaient même pas à la nation juive, des hommes établis au milieu d’autres peuples et qui n’étaient ni fidèles, ni baptisés. Comment étaient-ils enfants de Dieu si ce n’est par la prédestination selon laquelle l’Apôtre dit que Dieu nous a choisis en Jésus-Christ avant la création du monde - ? Or cette réunion devait rendre ces hommes les enfants de Dieu. L’unité dont il est ici question n’est pas une unité de lieu, puisque le Prophète, prédisant la vocation des gentils , dit : « Toutes les îles des nations «l’adoreront, et chacun dans son pays ^ ; » mais il s’agit de l’unité de l’esprit et de l’unité du cor[)S, dont le Christ est le chef unique. C’est cette réunion qui est rédification du tem- ple de Dieu ; elle est l’œuvre, non pas de la génération charnelle, mais de la régénération spirituelle. 38. Cliaquc enfant de Dieu est donc comme un temj)le où Dieu habite, et tous forment en- send)le un temple où il fait aussi sa demeure. Tant que ce temple flotte sur la mer de ce monde comme l’arche de Noé, nous voyons s’accomplir celte parole du Psalmiste : « Le « Seigneur demeure sur les eaux du déluge ; » ces mots toutefois peuvent aussi, d’après l’Apo- calvpse*, s’entendre des peuples nombreux de fidèles répandus parmi toutes les nations, en qui Dieu habite. Le Psalmiste ajoute : « Le « Seigneur s’assiéra roi pour l’éternité ■’ ; » c’est- à-dire dans son temple après (lue les agitations de la vie où nous sommes auront fait place à la vie éternelle. Dieu est donc présent par- tout et tout entier partout ; il n’habite pas par- tout, mais dans ceux qui forment son temple et pour lesquels il est bon et miséricordieux par sa grâce ; et il n’habite qu’autant (|u’on le possède, les uns plus, les autres moins. 39. Quant à notre chef, l’Apôtre a dit de lui a (jue toute la plénitude de la divinité habite cor- ce porellement en lui.» « Gorporellement » ne ’ Jean, xi, 50-52. — ’ Eph. i, 4. — ’ Sophonie , il, 11.— * Apoc. XVII, 15. — ’ Ps. XXVIU, 10. veut pas dire que Dieu soit corporel. En effet, ou bien saint Paul, usant d’une métaphore, a voulu nous faire entendre que l’ombre seule du Seigneur habite dans un temple fait de main d’homme, au milieu des signes figuratifs, car il nomme toutes les observances de l’ancienne loi « des ombres des choses futures  » ce qui est aussi une métaphore ; car le Dieu suprême, est -il écrit, «n’habite point dans les temples bâtis par les hommes ^ » Ou bien l’Apôtre s’est servi du mot « corporellement, » parce que le corps du Christ, né d’une vierge, est comme un temple où Dieu habite. « Détruisez ce tem- « pie et je le ressusciterai dans trois jours, » disait le Sauveur aux Juifs qui demandaient un miracle ; l’Evangéliste ne manque pas d’ajou- ter que c’est de son corps que le Christ voulait parler ^ 40. Quoi donc ? Pensons-nous que l’unique différence entre le chef et les autres membres, c’est que la divinité n’habite pas dans les mem- bres les plus considérables, grand prophète ou grand apôtre, comme elle habite dans le chef qui est le Christ et qui la possède selon toute sa plénitude ? Il y a du sentiment dans toutes les parties de notre corps, mais c’est dans la tête qu’il y en a le plus, parce que les cinq sens s’y trouvent : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher ; les autres parties du corps n’ont que le toucher. Outre cette plénitude de la di- vinité qui habite dans le corps du Christ comme dans un temple, n’y a-t-il pas encore quelque chose qui distingue le chef du membre même le plus excellent ? Oui, sans doute, c’est l’union de l’humanité du Christ avec le Verbe et qui fait de l’homme et de Dieu une seule et même personne. Il n’y a aucun saint dont on ait pu, dont on peut ou dont on pourra dire : « Le « Verbe s’est fait chair ’^ ; » il n’y a aucun saint, quelque grâce qu’il ait reçue, qui ait été appelé le Fils unique de Dieu, et qui, ayant participé à la nature humaine, ait été le Verbe même de Dieu avant les siècles. Cette incarnation est donc unique ; elle ne s’est rencontrée pour au- cun saint, à quelque degré de sagesse et de sainteté qu’il soit monté. C’est ici un manifeste et grand exemple de la grâce divine. Qui serait assez sacrilège pour oser affirmer qu’on puisse, par le mérite du libre arbitre, devenir un nou- veau Christ ? Comment une âme toute seule aurait-elle pu, par le libre arbitre donné natu- ’ Coloss. n, 9, 16, 17. — ’ Act. xvii, 24. — ’ Jean, ii, 19, 21. - Mbid. I, 14.