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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/576

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le commencement du genre humain ; ce n’était donc pas encore là dernière heure, si, les six mille ans se partageant en douze heures, il faut cinq cents ans pour une heure. Mais si, d’après les Écritures, nous considérons mille ans comme un jour, il y a bien plus longtemps que la dernière heure de ce long jour est passée ; je ne dis pas en divisant cet espace en vingt-quatre parties qui nous donneraient un peu plus de quarante ans, mais en le divisant seulement en douze parties, qui ferait le double d’années. Il est donc mieux de croire que l’apôtre Jean s’est servi du mot heure pour signifier le temps. Combien cette heure durera-t-elle ? nous l’ignorons, parce que ce n’est pas à nous à savoir les temps que le Père a mis en sa puissance. Nous l’ignorons, quoique nous sachions que cette heure est la dernière, et beaucoup mieux que ceux qui ont été avant nous et qui déjà disaient que la dernière heure était venue.

19. Ce qui, selon votre révérence, empêcherait qu’on ne pût supputer les temps avec exactitude ni déterminer en quelle année doit avoir lieu la fin du monde, c’est que, d’après les promesses divines, ces jours seront abrégés. Je ne comprends pas cette raison-là. Si Dieu les abrège de façon à réduire un grand nombre à un très-petit nombre de jours, je me demande comment il est vrai qu’ils auraient dû être nombreux si le Seigneur ne les eût abrégés. Vous pensez que les semaines du saint prophète Daniel ne concernent pas le premier avènement du Seigneur, contrairement à l’opinion la plus accréditée, mais qu’elles concernent plutôt un second avènement. Se peut-il qu’elles soient abrégées de façon qu’il y ait une semaine de moins, et que ce changement fasse mentir la prophétie ? Elle a mis tant de soin à compter leur nombre, qu’elle parle de quelque chose comme devant s’accomplir au milieu d’une semaine. Je serais étonné que la prophétie de Daniel se trouvât détruite par la prophétie du Christ. Ensuite, comment croire que Daniel ou plutôt que l’ange qui l’inspirait ait ignoré que le Seigneur doit abréger les jours et qu’il se soit trompé dans ce qu’il a dit ? ou comment croire qu’il l’ait su et qu’il ait menti à celui pour lequel il parlait ? Si une telle supposition est absurde, pourquoi ne croirions-nous pas plutôt que le nombre des semaines prophétisées par Daniel correspond à l’abréviation même de ces derniers jours : si toutefois ce nombre d’années se rapporte au second avènement du Seigneur, et je ne sais pas comment il serait possible de le montrer ?

20. Si les semaines de Daniel prophétisent le second avènement du Seigneur, on peut dire avec beaucoup plus de certitude et de sûreté qu’il aura lieu dans soixante et dix ans, ou, tout au plus, dans cent ans. Car il y a quatre cent quatre-vingt-dix ans dans les soixante et dix semaines ; nous comptons à présent à peu près quatre cent vingt ans depuis la naissance du Seigneur, et environ trois cent quatre-vingt-dix depuis sa résurrection ou son ascension. Si donc on compte depuis la naissance du Sauveur, il ne reste plus que soixante et dix ans, si on compte depuis sa mort, il reste environ cent ans : dans cet espace de temps toutes les semaines de Daniel seront accomplies, si elles regardent le dernier avènement de Jésus-Christ. Celui donc qui dit : ce sera dans tant d’années, dit faux si cela arrive plus tard ; mais parce que les jours seront abrégés, cela pourra arriver plus tôt. C’est pourquoi, quelle que soit l’abréviation de ces derniers temps, il sera toujours vrai de dire que le Seigneur viendra à cette époque. Cette abréviation ne peut déranger en rien les calculs de celui qui dit que ce second avènement aura lieu dans ce nombre d’années ; elle lui vient en aide au contraire, parce que plus les jours seront réduits en petit nombre, puis il sera vrai que le Seigneur viendra dans cet espace de temps et non au-delà, quoique celui qui suppute ne puisse marquer l’année précise du second avènement.

21. Toute la question est donc de savoir si les semaines de Daniel ont été accomplies au premier avènement du Seigneur, ou si elles ont prophétisé la fin du monde, ou si elles concernent les deux avènements. Cette dernière opinion n’a pas manqué de gens pour la soutenir ; selon eux, les semaines de Daniel ont reçu un premier accomplissement à la naissance du Sauveur, et recevront, à la fin du monde, leur accomplissement suprême. Il est certain que si on ne les entend pas de la naissance de Jésus-Christ, il faut qu’on les entende de la fin des temps, car cette prophétie ne peut pas être fausse. Si on l’applique au premier avènement, rien n’oblige de l’appliquer à la fin du monde. Cela, fût-il vrai, demeure pour nous incertain ; il ne faut ni nier ni