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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/59

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dessus ; je ne veux pas vous dire tout ce que vous mériteriez pour l’énormité d’un si grand sacrilège, et je me tais sur la modération que la douceur chrétienne n’a cessé de nous inspirer ; mais je dirai ceci : Pourquoi, si cela est un crime, pourquoi avez-vous persécuté violemment ces maximianistes au moyen des juges envoyés par ces empereurs que notre communion a enfantés à la foi de l’Évangile ? Pourquoi les avez-vous chassés de leurs basiliques, de ces basiliques où les trouva le schisme naissant ? Pourquoi les en avez-vous chassés par le tumulte des disputes publiques, par la puissance des ordres reçus et l’intervention violente des soldats appelés à votre secours ? Des traces récentes nous montrent ce qu’ils ont souffert dans cette attaque ; les écrits témoignent des ordres donnés, et, quant aux faits, ils sont publiés dans ces pays mêmes qui honorent pieusement la mémoire d’Optat, votre tribun[1].

4. Enfin, vous êtes dans l’habitude de dire que nous n’avons point le baptême du Christ, et qu’il n’existe que dans votre communion. Je pourrais disserter longuement ici ; mais il n’en est plus besoin contre vous qui avez admis le baptême des maximianistes avec Félicien et Prétextat. Tous ceux qu’ils ont baptisés, lorsqu’ils étaient en communion avec Maximien et que vous travailliez devant les tribunaux à les chasser de leurs basiliques, comme les actes le rapportent ; tous ceux, dis-je, qu’ils ont baptisés à cette époque sont restés avec eux et avec vous ; oui, de tous ceux qu’ils ont baptisés ostensiblement dans le crime du schisme, non-seulement en cas de maladies dangereuses, mais encore pendant les solennités pascales, dans leurs nombreuses églises et dans leurs grandes cités, il n’en est pas un seul auquel on ait réitéré le baptême. Plût à Dieu que vous pussiez prouver que ceux que Félicien et Prétextat avaient inutilement et publiquement baptisés dans le crime du schisme, ont été utilement et secrètement rebaptisés par eux, après que vous eûtes admis ces deux évêques dans vos rangs ! En effet, s’il fallait baptiser une seconde fois ceux-là, il fallait ordonner ceux-ci une seconde fois ; car, en se séparant de vous, les deux évêques avaient perdu le caractère de l’épiscopat, s’ils ne pouvaient plus baptiser en dehors de votre communion ; et si, en se séparant de vous, ils avaient gardé leur caractère d’évêque, ils avaient pu évidemment baptiser. Si au contraire ils l’avaient perdu, ils auraient dû, en revenant à vous, être derechef ordonnés, afin de recouvrer ce qu’ils n’avaient plus. Mais ne craignez rien : autant il est certain qu’ils sont revenus avec le même caractère d’évêque qu’ils avaient en vous quittant, autant il est sûr que ceux qu’ils ont baptisés dans le schisme de Maximien sont rentrés avec eux dans votre communion sans aucune réitération du baptême.

5. Où donc trouver assez de larmes pour déplorer que le baptême des maximianistes soit admis, et qu’on souffle sur le baptême du monde entier ? Que vous ayez condamné Félicien, condamné Prétextat après les avoir entendus ou sans les entendre, avec ou sans justice, je ne m’en occupe pas en ce moment ; mais dites-moi : quel évêque des Corinthiens a été entendu ou condamné par quelqu’un des vôtres ? Avez-vous entendu quelque évêque des Galates, des Éphésiens, des Colossiens, des Philippiens, des Thessaloniciens et de toutes les autres cités dont il a été dit : « Toutes les nations de la terre seront en adoration en sa présence[2] ? » Et cependant le baptême des maximianistes est admis, et on repousse le baptême de tous ces chrétiens, qui n’est pas le baptême de tel ou tel, mais de celui dont il a été dit : « C’est celui qui baptise[3]. » Mais je ne m’arrête pas à ceci ; regardez ce qui est devant vous, voyez ce qui frapperait les yeux d’un aveugle : le baptême est avec des gens condamnés et n’est point avec ceux qu’on n’a pas entendus ! Il est avec des gens nommément expulsés de votre communion pour crime de schisme, et n’est pas avec ceux qui vous sont inconnus, qui habitent des pays lointains, qui n’ont jamais été accusés, jamais jugés ! Il est avec des Africains séparés d’une portion de l’Afrique, et n’est pas avec les habitants des contrées d’où l’Évangile est venu en Afrique ! Pourquoi vous chargerai-je davantage ? Répondez seulement à tout ceci. Voyez combien, dans votre concile, on fait peser sur les maximianistes le sacrilège du schisme ; voyez les persécutions que vous leur avez infligées par les puissances judiciaires ; voyez leur baptême que vous avez admis en les admettant eux-mêmes après les avoir condamnés. Et dites-moi, si vous le pouvez, comment il vous sera possible

  1. Ce fut cet Optai, évêque donatiste de Tamugas, qui força les donatistes à réintégrer, dans leur communion, Félicien de Musti et Prétextai d’Assuri, dont il est parlé dans cette lettre.
  2. Ps. XXI, 28
  3. Jean, I, 33