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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/70

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comparaison, du visible à l’invisible, du corporel aux sacrements spirituels, a voulu que ce passage d’une vie à l’autre, qui se nomme Pâque, fût célébré depuis le quatorzième de la lune, afin que, non-seulement pour représenter la troisième époque dont nous avons parlé plus haut et que figure la troisième semaine, mais aussi pour exprimer que la vie devient intérieure d’extérieure qu’elle était, la lune fût un symbole ; et si Pâque peut être célébré jusqu’au vingt-et-unième, c’est que le nombre sept[1], signifie souvent l’universalité, et qu’il est donné à l’Église universelle, parce qu’elle est comme tout le genre humain.

10. Pour ce motif, l’apôtre saint Jean, dans l’Apocalypse, écrit à sept Églises. Mais l’Église, tant qu’elle est établie dans cette mortalité de la chair, est soumise aux changements : c’est pourquoi les Écritures la désignent sous le nom de la lune. De là cette parole : « Ils ont préparé leurs flèches dans le carquois pour percer, par une lune obscure, ceux qui ont le cœur droit[2]. » Jusqu’au moment où arrivera ce que dit l’Apôtre : « Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, vous apparaîtrez aussi avec lui dans la gloire[3] ; jusque-là, l’Église paraîtra comme enveloppée d’obscurité durant son pèlerinage, où elle gémit au milieu de beaucoup d’iniquités ; et c’est alors que sont à craindre les embûches des séducteurs perfides désignés par les flèches. Dans un autre endroit, il est dit, pour indiquer des messagers fidèles de la vérité que l’Église enfante de toutes parts : « La lune est un témoin fidèle dans le ciel[4]. » Et le Psalmiste, chantant le règne du Seigneur, dit : « La justice se lèvera, en ses jours, avec une abondance de paix, jusqu’à ce que la lune périsse ; » c’est nue abondance de paix qui croîtra au point d’absorber tout ce qu’il y a de changeant dans notre mortalité. Alors sera détruite la mort, notre dernière ennemie ; alors sera entièrement consumé tout ce qui nous résiste dans l’infirmité de la chair, et nous empêche d’obtenir une paix parfaite, quand ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, ce corps mortel, l’immortalité[5]. Aussi les murs de la ville appelée Jéricho, d’un mot hébreu qui signifie lune, tombèrent après que l’arche d’alliance en eut fait sept fois le tour[6]. Que fait en effet maintenant la prédication du royaume des cieux, figurée par la procession de l’arche ? Elle nous apprend que tous les remparts de la vie mortelle, c’est-à-dire toutes les espérances de ce siècle, qui résistent aux espérances du siècle futur, doivent crouler par les sept dons de l’Esprit-Saint et avec le libre concours de la volonté. Pour exprimer ce libre concours, les murailles ne tombèrent point par une impulsion violente, mais de leur propre mouvement, pendant que l’arche en faisait le tour. Il est d’autres témoignages de l’Écriture qui, sous l’image de la lune, nous représentent l’Église en pèlerinage ici-bas, au milieu des afflictions et des luttes, loin de cette Jérusalem dont les saints anges sont les citoyens.

11. Toutefois les insensés, qui ne veulent pas devenir meilleurs, ne doivent pas croire qu’il faille adorer ces astres, par cela seul qu’on leur emprunte des comparaisons pour monter aux divins mystères, car on en emprunte à toute créature : et nous ne devons pas non plus pour ce motif tomber sous le coup de la sentence portée par la bouche apostolique contre ceux qui ont adoré et servi l’a créature plutôt que le Créateur, béni dans tous les siècles[7]. Nous n’adorons pas le bétail, quoique le Christ ait été appelé Agneau [8] et Veau[9] ; nous n’adorons pas les bêtes féroces, quoique le Christ ait été appelé Lion de la tribu de Juda[10], ni les pierres, quoique le Christ ait été la pierre[11], ni le mont Sion, quoique ce mont ait figuré l’Église [12] : ainsi nous n’adorons ni le soleil ni la lune, quoique l’Écriture se serve de ces corps célestes, ainsi que de beaucoup de choses terrestres, comme d’images pour nous représenter les sacrements, et nous en rendre plus intelligibles les enseignements mystiques.

C’est pourquoi il faut se moquer des rêveries des astrologues et les détester ; quand nous leur reprochons les vaines fictions par où ils précipitent les hommes dans l’erreur après s’y être précipités eux-mêmes, ils se croient bien inspirés et nous disent : « Pourquoi donc, à votre tour, réglez-vous la célébration de Pâques d’après le soleil et la lune ? » Comme si en condamnant les extravagances nous accusions le cours des astres ou les révolutions des saisons établies par le Dieu souverain et très-bon, et non pas la perversité de ceux qui abusent des œuvres de la sagesse divine pour produire les plus folles opinions. Si l’astrologue

  1. Qui se trouve ici représenté trois fois.
  2. Ps. X, 3, selon les Septante.
  3. Coloss. III, 4
  4. Ps. LXXXVIII, 38
  5. I Cor. XV, 26, 53, 54
  6. Josué, VI, 20
  7. Rom. I, 25
  8. Jean, I, 19
  9. Ezéch. XLIII, 19
  10. Apoc. V, 5
  11. I Cor. X, 4
  12. I Pierre, II, 6