Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/85

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pendant que vous le pressiez de servir Dieu à Sousane, il éclata et jura qu’il ne se séparerait jamais de vous. Comme nous lui demandions ce qu’il voulait, il répondit que ce serment l’empêchait d’être là où nous désirions qu’il fût auparavant, surtout lorsqu’il pouvait en sûreté faire usage de sa liberté. Nous lui expliquâmes qu’il ne serait point coupable de parjure si, pour éviter un scandale, il arrivait, non par son fait, mais par le vôtre, qu’il ne pût pas être avec nous, car son serment regarde sa volonté et non la vôtre, et il a avoué que vous ne lui aviez rien juré vous-même ; il finit par dire, comme il convenait à un serviteur de Dieu, à un fils de l’Église, qu’il se conformerait sans hésitation à ce que nous aurions décidé sur son compte avec votre sainteté. C’est pourquoi nous vous demandons, nous conjurons votre sagesse, par la charité, du Christ de vous souvenir de tout ce que nous avons dit et de nous réjouir par votre réponse ; car nous qui sommes plus forts, si toutefois on peut oser prononcer un tel mot au milieu de tant de tentations qui nous assiègent, nous devons, comme dit l’Apôtre : « supporter les faiblesses des infirmes[1]. » Notre frère Timothée n’a point écrit à votre sainteté parce que votre saint frère a dû vous dire tout ce qui s’est passé. Souvenez-vous de nous, glorifiez-vous dans le Seigneur, bienheureux, vénérable et cher seigneur et frère.

LETTRE LXIII.

(Fin de l’année 401.)

Saint Augustin se plaint auprès de son ami et collègue sévère qu’il ait ordonné sous-diacre, pour le retenir dans son diocèse, un ecclésiastique qui avait rempli dans le diocèse d’Hippone les fonctions de lecteur.

AUGUSTIN ET LES FRÈRES QUI SONT AVEC MOI AU BIENHEUREUX ET VÉNÉRABLE SEIGNEUR SÉVÈRE, SON BIEN-AIMÉ FRÈRE ET COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, AINSI QU’AUX FRÈRES QUI SONT AVEC LUI, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Si je dis tout ce que l’intérêt de ma cause me force à dire, que deviendra la charité ? Si je me tais, où sera la liberté de l’amitié ? Après avoir hésité, je me suis décidé à vous adresser non point des reproches, mais ma justification. D’après une de vos lettres, vous vous étonnez que nous ayons voulu supporter avec douleur ce qu’une réprimande aurait pu faire cesser, comme si le mal déjà fait ne restait pas déplorable, même après qu’on y a remédié autant qu’on l’a pu, et comme s’il ne fallait pas surtout supporter ce qui une fois reconnu mal fait ne peut pas être défait. Cessez donc de vous étonner, mon très-cher frère. Timothée a été ordonné sous-diacre à Sousane, contre mon avis et ma volonté, tandis que nous délibérions encore sur le parti qu’il fallait prendre à son égard. Je m’en afflige toujours, quoiqu’il soit retourné auprès de vous, et, en ceci, je ne me repens point d’avoir accédé à votre volonté.

2. Écoutez ce que nous avons fait par nos reproches, nos avertissements, nos prières, avant même qu’il fût parti d’ici, afin que vous ne pensiez plus que rien n’a été blâmé avant son retour auprès de vous. D’abord, nous lui avons reproché de ne pas vous avoir obéi et d’être parti pour aller vers votre sainteté, sans avoir consulté notre frère Carcédonius, ce qui a été le commencement de notre tribulation ; nous avons repris ensuite le prêtre et Vérin, parce que nous avons découvert que ce sont eux qui ont fait ordonner Timothée. À la suite de ces reproches, ils ont confessé que toutes ces choses avaient été faites mal à propos, et ont demandé leur pardon ; nous aurions été dès lors impitoyables, si nous n’avions pas cru à leur repentir. Ils ne pouvaient pas faire que ce qui a été ne fût pas ; le seul but de notre réprimande était de les amener à reconnaître et à déplorer leurs torts. Personne n’a échappé à nos avertissements, pour que de telles choses ne se reproduisent point, et qu’on ne s’expose pas à encourir la colère de Dieu ; ensuite et principalement nous avons repris Timothée, qui se disait forcé par son serment d’aller vers vous ; nous lui avons dit, et nous espérions que, prenant en considération nos entretiens à ce sujet, votre sainteté pourrait bien ne pas vouloir admettre auprès de vous quelqu’un qui était déjà lecteur ici, de peur de scandaliser les faibles, pour lesquels le Christ est mort, et de peur de blesser la discipline de l’Église, dont malheureusement on s’occupe si peu : ainsi dégagé de son serment, il aurait tranquillement servi Dieu, à qui nous devons rendre compte de nos actions. Nos avis ont amené notre frère Garcédonius à accepter patiemment tout ce qui sera décidé sur Timothée,

  1. Rom. XV, 1