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LIVRE DEUXIÈME.


ternaire, d’après ce que nous avons établi dans les nombres ? — L’É. Oui, et j’approuve cette progression dans les uns comme dans les autres. — Le M. Eh bien ! si on a formé les pieds en combinant les syllabes, ne pourrait-on, en combinant les pieds, former un certain assemblage qui ne devrait plus être désigné sous le nom de syllabe ou de pied ? — L’É. Je le crois assurément. — Le M. Et quel sera cet assemblage ? — L’É. Un vers, j’imagine. — Le M. Eh bien ! Supposons que quelqu’un s’avise de combiner des pieds sans s’imposer de mesure ni de fin, à moins d’être arrêté par une extinction de voix ou quelqu’autre accident, ou même par la nécessité de passer à un autre exercice, donnerais-tu le nom de vers à cet assemblage de vingt, trente, cent pieds ou davantage, selon la fantaisie ou la facilité de celui qui aurait formé cette série indéfinie ? — L’É. Non certes : il ne suffira pas que je voie des pieds mêlés entre eux indistinctement ou placés sans fin à la file les uns des autres pour appeler vers ce pêle-mêle : une théorie doit apprendre l’espèce et le nombre des pieds nécessaires pour faire un vers, et c’est d’après elle que je pourrais juger si c’est bien un vers qui a frappé mon oreille. — Le M. Quelle que soit cette théorie, elle a dû établir non sur un caprice, mais sur un principe, les règles et la mesure qu’elle a imposées au vers. — L’É. Puisqu’il s’agit de théorie, il ne doit, il ne peut y avoir place pour la fantaisie. — Le M. Cherchons donc, si tu veux bien, et tâchons de trouver ce principe : à ne considérer que la tradition, un vers sera ce qu’il aura pris fantaisie d’appeler ainsi à je ne sais quel Asclépiade, à Archiloque, à Sapho, et autres poètes de l’antiquité, dont on a donné les noms à certaines espèces de vers, parce qu’ils ont découvert et mis en œuvre ces formes poétiques. Il est des vers en effet qui portent le nom d’Asclépiade, d’Archiloquien, de Saphique, et mille autres noms de poètes que les Grecs ont donnés aux vers de différents genres. D’où il semblerait résulter qu’en arrangeant des pieds de telle façon et en tel nombre qu’on voudra, on pourrait à bon droit, si personne n’a encore imaginé cette combinaison, être appelé le créateur et le propagateur d’un vers nouveau. Interdirait-on ce privilége au premier venu ? Alors on aurait le droit de se plaindre et de demander quel a été le mérite de ces poètes qui, sans être guides par aucun principe, auraient combiné à leur gré tels ou tels pieds et auraient réussi à faire considérer comme vers un pareil assemblage et à lui en donner le nom. N’es-tu pas de cet avis ? — L’É. Ce que tu dis est fort juste ; je comprends avec toi que le vers est une création de la raison plutôt que de l’autorité : mais comment ? examinons-le, je t’en prie.



CHAPITRE VIII.
noms des divers pieds.

15. Le M. Examinons donc quels sont les pieds qui peuvent s’allier entre eux, quelles sont les termes qui résultent de ce mélange : car il y en a d’autres que le vers ; nous finirons par une théorie complète du vers. Mais crois-tu ces développements possibles, si on ne sait pas le nom des différents pieds ? Sans doute nous les avons classés de façon qu’ils pourraient être appelés, selon leur ordre, premier, second, troisième, quatrième pied. Mais il y a péril à dédaigner les termes du vieux temps, et il ne faut pas rompre aisément avec l’usage, à moins qu’il ne soit en contradiction avec la raison. Employons donc les termes par lesquels les Grecs ont désigné les pieds et que les Latins ont adoptés. Servons-nous-en sans prendre la peine d’en chercher l’étymologie : une pareille étude, favorable à la prolixité, est assez stérile. Te sers-tu avec moins de profit des mots pain, bois, pierre, parce que tu ne sais pas d’où ils viennent ?

L’É. Tu as raison.

Le M. Le premier pied s’appelle pyrrhique ; il est composé de deux brèves et a deux temps, connue fuga.

Le second pied est l’iambe ; il a une brève et une longue, comme parens, et a trois temps.

Le troisième pied est le trochée ou le chorée : il renferme une longue et une brève, comme meta, trois temps.

Le quatrième est le spondée, deux longues comme œtas, et quatre temps.

Le cinquième, le tribraque ; trois brèves, comme macula, et trois temps.

Le sixième, le dactyle, une longue et deux brèves comme mœnatus, et quatre temps.

Le septième est l’amphibraque : il se compose, d’une brève, d’une longue, et d’une brève comme carina ; quatre temps.