règle invariable que, quand on assemble des pieds qui ont entre eux de l’affinité, il faut mettre à la fin des fractions de pied en harmonie avec tous les pieds de la série, afin d’éviter que leur alliance naturelle ne soit troublée par quelque défaut de symétrie.
33. Autre chose encore plus singulière : le spondée termine agréablement le ditrochée et le diiambe ; cependant, lorsque ces deux pieds, soit seuls, soit mêlés à d’autres pieds de la même famille, se trouvent dans la même série, on ne peut mettre de spondée à la fin, sans choquer l’oreille. Nul doute en effet que l’oreille ne soit flattée d’entendre ces pieds un à un :
Timenda res non est, ou encore :
Jam timere noli.
Mais si tu en formes une série, par exemple :
Timenda res, jam timere noli, tu auras une combinaison qui ne peut guère se souffrir qu’en prose. Le défaut d’harmonie n’est pas moindre si on place à tout autre endroit un autre pied, par exemple, un molosse au premier pied :
Vir fortis, timenda res, jam timere noli, ou au troisième :
Timenda res, jam timere vir fortis noli.
Quelle est la cause de cette cacophonie ? La mesure du diiambe peut se battre dans le rapport de 2 à 1, celle du ditrochée dans ; le rapport de 1 à 2. Le spondée équivaut au double, puisqu’il se mesure dans le rapport de 2 à 2 ; or, comme le diiambe n’admet de mesure que dans le rapport de 2 à 1 et le ditrochée, dans le rapport de 1 à 2, il se produit comme un tiraillement qui blesse l’oreille. Voilà comment le simple raisonnement explique cette anomalie.
34. L’antispaste donne lieu à une anomalie non moins étrange. S’il n’est combiné avec aucun autre pied ou s’il n’est mêlé qu’au diiambe, il ne repousse pas l’iambe comme finale : mais il le repousse, s’il est uni à d’autres pieds. Car s’il est uni au ditrochée, le ditrochée, même dans ce cas, ne peut s’allier avec l’iambe, et il n’y a là rien qui doive surprendre. Mais ce qui m’étonne, c’est qu’il rejette l’iambe, dès qu’il est combiné avec tout autre pied de six temps ; ce fait tient peut-être à une cause trop obscure pour qu’il soit possible de l’approfondir et de la mettre en pleine lumière, mais c’est un fait et je le démontre par des exemples. Ces deux mètres :
Potestate placet,
Potestate potentium placet, offrent une reprise fort agréable, personne n’en doute, en mettant à la fin un silence de trois temps. Au contraire, il y a une véritable cacophonie, dans ces mètres, avec le même silence :
Potestate praeclara placet.
Potestate tibi multum placet.
Potestate jam tibi sic placet.
Potestate multum tibi placet.
Potestatis magnitudo placet.
Dans ce problème, l’oreille a rempli son office : elle a fait sentir ce qui lui plaît et ce qui la choque. Veut-on pénétrer la cause ? Il faut recourir à la raison : La mienne, dans une aussi profonde obscurité, ne découvre qu’une seule explication : la première moitié de l’antispaste lui est commune avec le diiambe, puisque tous deux commencent par une longue suivie d’une brève ; la seconde moitié, au contraire, lui est commune avec le ditrochée, puisque tous deus finissent par une longue suivie d’une brève, Par conséquent l’antispaste admet bien l’iambe à la fin du mètre, comme sa première moitié, quand il est seul ; il l’admet encore quand il est uni au diiambe, comme ayant cette première moitié en commun avec lui ; donc il l’admettrait quand, il est uni au ditrochée, si pareille terminaison était en rapport avec le ditrochée, et s’il le repousse, quand il est mêlé à d’autres pieds, c’est qu’il ne se mesure pas selon le même rapport de temps.
CHAPITRE XVII.
35. Quant à la combinaison des mètres, il suffit de remarquer maintenant que les différents mètres peuvent former entre eux us système, pourvu qu’ils s’accordent dans le