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DE LA MUSIQUE.


58. D’ailleurs la figure même de la terre, qui sert à la distinguer des autres éléments, ne fait-elle pas apercevoir la propriété essentielle[1] qui lui a été communiquée ? Y a-t-il en elle une partie différente du tout ? L’affinité et l’harmonie de ces parties entre elles ne lui fait-elle pas occuper le plus bas degré, place relativement très-avantageuse ? Sur elle s’étend naturellement l’eau ; l’eau qui elle-même tend à l’unité, plus brillante et plus transparente que la terre, à cause de la ressemblance plus parfaite de ses molécules, gardant la place que lui assigne son rang et sa conservation. Que dire de l’air qui, par sa propriété de se condenser, tend plus aisément encore à l’unité, qui surpasse autant l’eau en transparence que l’eau surpasse la terre, et qui s’élève au-dessus pour trouver sa conservation dans sa hauteur même ? Que dire de la voûte céleste, de cette circonférence où finit le monde visible des corps, de cette région la plus élevée et la plus pure en son genre ? Or les éléments que nous distinguons par le ministère des sens avec tous les objets qu’ils renferment, ne peuvent ni admettre ni garder ces rapports dans l’espace, en apparence fixes et invariables, sans une influence antérieure et secrète des rapports de temps qui sont en mouvement à leur tour ; ces nombres qui se déploient et se meuvent dans les divisions du temps, sont antérieurement modifiés par le mouvement de la vie, lequel ne dépend que du Maître de l’univers, et, sans avoir d’intervalles de temps qui règlent ses harmonies, reçoit de la puissance divine le bienfait du temps. Au-dessus des harmonies de la vie viennent les harmonies pures et toutes intellectuelles des âmes saintes et bienheureuses : la loi de Dieu, cette loi sans laquelle une feuille ne tombe pas d’un arbre et pour qui nos cheveux sont comptés, se communique sans intermédiaire à ces harmonies qui la transmettent à leur tour aux harmonies auxquelles obéissent la terre et les enfers[2].

59. Conclusion. — J’ai discuté avec toi, comme je l’ai pu, de ces merveilles : elles sont si hautes et moi si petit ! Si ce dialogue tombe entre les mains de quelques lecteurs, qu’ils sachent bien que ceux qui l’ont composé sont infiniment plus faibles que ceux qui adorent la Trinité consubstantielle et immuable du Dieu tout-puissant et imique, principe de tout, auteur de tout, centre de tout, qui l’adorent, dis-je, en ne s’attachant qu’à l’autorité des deux Testaments, et l’honorent par des actes de foi, d’espérance et d’amour. Ce ne sont point les faibles lueurs du raisonnement humain qui les épurent, c’est le feu le plus ardent de la charité. Pour nous qui ne voulons pas négliger les âmes que les hérétiques abusent par de fausses promesses de philosophie et de science, nous devons explorer les chemins ; et nous marchons d’un pas plus lent que les saints personnages qui, dans leur vol rapide, ne daignent pas même les examiner. Toutefois nous n’oserions pas suivre cette voie, si nous ne voyions que, parmi les pieux enfants de l’Église catholique, notre excellente Mère, il en est un grand nombre qui, après avoir reçu de l’éducation le talent de la parole et de la controverse, se sont vus contraints d’en faire usage pour réfuter l’hérésie.

Le traité de la Musique est traduit par MM. THÉSARD et CITOLEUX, agrégés de l’Université.

  1. La pesanteur.
  2. Rét. liv. I, ch. XI.