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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/165

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la plus pure tradition de la foi, choisissons le sens qui s’accorde le mieux avec les intentions de l’Écrivain sacré. Cette intention n’est-elle pas marquée ? Préférons, choisissons celui que le contexte permet d’adopter et qui est conforme à la foi. Si enfin le contexte ne souffre ni éclaircissement ni discussion, tenons-nous en aux prescriptions de la foi. Il est bien différent, en effet, d’être incapable de saisir la pensée véritable de l’écrivain sacré ou de s’écarter des principes de la religion. Si on réussit à éviter ces deux écueils, la lecture porte tous ses fruits : si on ne peut échapper à tous deux, on tire avec profit d’un passage obscur une maxime conforme à la foi.

LIVRE II. CRÉATION DU FIRMAMENT[1].

CHAPITRE PREMIER. QUE SIGNIFIE LE FIRMAMENT AU MILIEU DES EAUX L’EAU PEUT-ELLE, D’APRÈS LES LOIS DE LA PHYSIQUE, SÉJOURNER AU-DESSUS DU CIEL ÉTOILÉ ?


1. « Dieu dit : que le firmament se fasse au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux. Et cela se fit. Dieu fit donc le firmament et sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament, d’avec les eaux qui étaient au-dessus. Et Dieu nomma le firmament ciel. Et Dieu vit que cette œuvre était bonne. Et le soir arriva, et au matin se fit le second jour. » Il serait inutile de répéter ici le commentaire que j’ai fait tout à l’heure sur la parole créatrice, sur l’approbation donnée par Dieu à ses œuvres, sur le matin et le soir : chaque fois que ces termes reparaissent, je prie le lecteur de se reporter aux explications précédentes. La question qui doit maintenant nous occuper est de savoir s’il s’agit ici du ciel, je veux dire de l’espace qui s’élève au-dessus de l’atmosphère, quelle qu’en soit la hauteur, et des régions où le soleil avec la lune et les étoiles furent placés le quatrième jour ; ou si le firmament ne sert qu’à désigner l’atmosphère elle-même.
2. Plusieurs prétendent en effet que les eaux ne peuvent physiquement se tenir au-dessus du ciel étoilé, parce que selon les lois de la pesanteur, elles doivent couler sur la terre, ou s’élever sous forme de vapeur à quelque hauteur seulement dans l’atmosphère. Qu’on ne s’avise pas d’objecter à ces physiciens qu’en vertu de la puissance infinie de Dieu les eaux ont pu, malgré leur pesanteur, se répandre au-dessus des régions célestes où nous voyons maintenant les astres se mouvoir. Notre but est de chercher, d’après les livres saints, les lois que Dieu a imposées à la nature, et non le miracle qu’il peut opérer par elle et en elle pour manifester sa puissance. Si par exception Dieu voulait que l’huile restât sous l’eau, le phénomène aurait lieu : nous n’en connaîtrions pas moins la propriété qui fait monter l’huile au-dessus de l’eau malgré l’obstacle qu’elle lui oppose. Examinons donc si le Créateur « qui a disposé tout avec nombre, poids et mesure[2] » loin d’assigner aux eaux un lit unique à la surface du globe, les a encore superposées à la voûte céleste, en dehors de notre atmosphère.
3. Ceux qui ne veulent pas admettre une pareille hypothèse, se fondent sur les lois de la pesanteur ; à leurs yeux la voûte céleste n’est point une espèce de sol assez ferme pour soutenir le poids des eaux ; une telle consistance n’appartient qu’à la terre et la distingue du ciel ; les propriétés des éléments ne les distinguent pas moins que la place qu’ils occupent, ou plutôt, leur place est dans un juste rapport avec leurs propriétés : par exemple, l’eau ne peut être que sur la terre ; fût-elle sous terre, comme l’eau immobile ou courante des grottes et des cavernes, c’est encore le sol qui lui sert de base. Qu’un éboulement se produise, la terre ne reste pas à la surface de l’eau, mais descend jusqu’au fond et s’y fixe comme à sa place naturelle. Par conséquent, lorsqu’elle était au-dessus de l’eau, ce n’est pas l’eau qui la soutenait, mais la force de cohésion qui soutient aussi la voûte des cavernes.
4. On doit ici se garder d’une erreur que j’ai recommandé

  1. Gen 1, 6-19
  2. Sag. 11, 21