Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans le Verbe de Dieu la cause éternelle de chaque création. Voilà pourquoi il répète la parole, quoiqu’elle n’ait point été répétée : « Dieu dit. » Supposons qu’il ait d’abord songé à s’exprimer ainsi : « Le firmament se fit au milieu « des eaux afin que les eaux fussent séparées « des eaux » si on lui avait demandé comment cette œuvre s’était accomplie, il aurait répondu avec raison que Dieu avait dit : « Que le firmament se fasse » en d’autres termes, que la création du firmament était arrêtée dans son Verbe éternel. Il a donc débuté dans son récit par l’explication même dont il aurait pu le faire suivre, si on lui avait demandé la manière dont la création s’était accomplie.
14. Ainsi donc les expressions : « Dieu dit que telle œuvre se fasse » nous font entendre l’idée créatrice arrêtée dans le Verbe de Dieu. Les mots : « Cela fut fait » nous révèlent que l’être créé se forma dans les limites fixées à son espèce par le Verbe de Dieu. Enfin les mots « Dieu vit que cette œuvre était bonne » nous montrent que, grâce à là charité de son Esprit, l’être créé lui plaisait ; cette approbation n’indique pas qu’il ne connût son œuvre et ne la trouvât agréable qu’en la voyant accomplie, mais qu’il voulait lui conserver l’existence en vertu de la même bonté qui l’avait engagé à la lui donner.

CHAPITRE VII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.


15. La question n’est pas encore épuisée : on peut encore se demander pourquoi, aux expressions qui indiquent en elles-mêmes l’accomplissement de l’ordre divin : « Et cela ce fit » on ajoute ces paroles : « et Dieu fit » telle ou telle chose. Les mots, en effet, qui marquent le commandement et son exécution immédiate ( fiat, factum est) révèlent assez clairement que Dieu parlé dans son Verbe et que son Verbe a réalisé sa parole : ils suffisent pour montrer la double personne du Père et du Fils. Si cette répétition n’a pour objet que de faire apparaître la personne du Fils, il faudra donc admettre que Dieu ne s’est pas servi de son Fils, le troisième jour, pour rassembler les eaux et découvrir la surface de la terre : car, l’Écriture n’ajoute pas ici : « et Dieu rassembla les eaux. » Toutefois, dans cet endroit même, après avoir montré l’œuvre divine accomplie, l’Écriture redouble l’expression et ajoute : « Et l’eau qui est sous le ciel se rassembla. » Et la lumière ? Le Fils n’a-t-il point concouru à sa création, parce que l’Écriture n’a point employé cette double formule ? Car, n’aurait-on pu adopter aussi la formule suivante : Et Dieu dit que la lumière soit faite, et cela se fit ; et Dieu fit la lumière, ou dire, comme pour le rassemblement des eaux : Et Dieu dit : que la lumière soit faite, et cela se fit ; et Dieu vit que la lumière était bonne ? Mais non : après avoir exprimé l’ordre divin, l’Écriture ajoute simplement. « Et la lumière fut faite » puis elle raconte, sans aucune répétition, que Dieu approuva la lumière, la sépara d’avec les ténèbres et leur donna un nom.

CHAPITRE VIII. POURQUOI L’EXPRESSION : « ET FECIT DEUS » N’A-T-ELLE PAS ÉTÉ REPRODUITE APRÈS LA CRÉATION DE LA LUMIÈRE ?


16. Que signifie donc cette répétition qui se reproduit à chaque création sauf à celle de la lumière ? Cette omission n’aurait-elle pas pour but de démontrer que le premier jour, date de l’apparition de la lumière, manifesta, sous le nom même de lumière, la nature des êtres spirituels et intelligents, parmi lesquels il faut ranger les saints Anges et les Vertus ? Si, en effet, l’Écriture n’ajoute rien aux expressions : « Et la lumière fut faite » la raison n’en est-elle pas que la créature intelligente, loin de connaître d’abord son moyen de perfectionnement et de l’atteindre ensuite, n’en prit conscience qu’au moment où elle se perfectionnait, en d’autres termes, qu’au moment où rayonnait en elle la vérité à laquelle elle s’unit ; tandis que, pour les créatures d’un ordre inférieur, l’existence.étaitconnue comme possible dans l’esprit de la création raisonnable, avant de se réaliser sous une forme déterminée ? Par conséquent, la lumière doit apparaître sous deux points de vue : d’abord, dans le Verbe de Dieu, si l’on considère la cause de son existence, en d’autres termes, dans la sagesse coéternelle au Père ; puis ; en elle-même, si l’on considère sous quelle forme elle s’est réalisée. Dans le Verbe, la lumière n’est pas faite, mais engendrée ; dans la nature, elle est faite, parce quelle a été tirée des éléments grossiers et primitifs. On voit maintenant pourquoi Dieu dit : « Que la lumière