Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/172

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et sans ordre. » Ces paroles, en effet ; ne désignent que l’état informe de la matière, et l’Écriture a choisi le mot de terre comme étant plus ordinaire et moins obscur. Si cette explication est trop difficile à saisir, qu’on s’efforce au moins de séparer dans le temps la matière et ses modifications, comme l’Écriture les distingue dans son récit : qu’on se figure que Dieu a créé d’abord la matière, et au bout d’un certain temps, l’a enrichie de ses propriétés. Il est clair cependant que Dieu a tout créé à la fois, et qu’il a façonné la matière déjà formée, le mot terre ou eau ne servant dans l’Écriture qu’à désigner l’imperfection de la matière, comme je l’ai déjà remarqué à cause de son emploi fréquent. En effet la terre et l’eau, même sous leur forme actuelle, ont une tendance à se corrompre qui les.rapprochebien mieux de l’imperfection primitive que les corps célestes. Or, dans la période des six jours, on énumère les ouvrages tirés de cette matière informe, dont était déjà sorti le ciel, si diffèrent de la terre ; l’écrivain sacré n’a donc pas voulu, en prononçant le fiat, ranger parmi ces autres œuvres de Dieu l’œuvre qui restait à faire dans la région la plus basse de la nature ; les éléments y gardaient une imperfection trop grossière, pour se prêter à une œuvre aussi parfaite que le ciel : ils ne pouvaient que recevoir une forme inférieure, moins constante et plus voisine de l’imperfection primitive. Les paroles : « Que les eaux se rassemblent, que l’aride paraisse » indiqueraient donc que la terre et l’eau reçurent alors ces formes si connues et qui nous permettent de les plier à tant d’usages : l’eau, sa fluidité ; la terre, sa consistance. Aussi est-il écrit des eaux : « quelles se rassemblent » et de la terre : « qu’elle se montre » : l’une est courante et fugitive, l’autre compacte et immobile.

CHAPITRE XII. POURQUOI LA FORMULE « ET CELA SE FIT AINSI » EST-ELLE EMPLOYÉE SPÉCIALEMENT POUR LES PLANTES ET LES ARBRES (Gen, 1, 11, 12, 18) ?


25. « Dieu dit : que la terre produise des plantes avec leurs semences, chacune selon son espèce ; des arbres fruitiers, produisant des fruits selon leur espèce, et qui aient en eux-mêmes leur semence sur la terre. Et cela se fit ainsi. La terre produisit donc des plantes avec leurs semences, chacune selon son espèce ; des arbres fruitiers, qui avaient leur semence en eux-mêmes, selon leur espèce, sur la terre. Et Dieu vit que cela était bon. Et le soir se fit, et au matin fut accompli le troisième jour. » Il faut, ici remarquer la mesure que l’éternel Ordonnateur met dans ses œuvres. Les plantes et les arbres, ayant des propriétés fort distinctes de la terre et des eaux, et ne pouvant se ranger parmi ces éléments, reçoivent l’ordre spécial de sortir du sein de la terre ; spécialement encore il est dit de ces productions « Et il en fut ainsi ; et la terre produisit » etc ; et Dieu approuva spécialement leur formation. Cependant, comme ils se rattachent à la terre par leur racines, Dieu a compris toutes les phases de cette création dans un même jour.

CHAPITRE XIII. POURQUOI LES LUMINAIRES N’ONT-ILS ÉTÉ FORMÉS QUE LE QUATRIÈME JOUR (Gen. 1, 14, 16, etc) ?


26. « Et Dieu dit : qu’il y ait des luminaires dans le firmament, afin qu’ils brillent sur la terre, marquent le commencement du jour et de la nuit, et séparent le jour d’avec la nuit ; qu’ils servent de signes pour distinguer les saisons, les jours et les années ; qu’ils brillent dans le firmament, afin de luire sur la terre. Et cela se fit. Dieu fit donc deux grands luminaires, le plus grand, pour marquer le commencement du jour, le plus petit, pour marquer le commencement de la nuit. Il fit aussi les étoiles. Et Dieu les mit dans le firmament pour luire sur la terre, pour marquer le commencement du jour et de la nuit et pour diviser là lumière d’avec les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Et le soir se fit, et au matin fut accompli le quatrième jour. » La première question qui se présente ici est de savoir quelle est la raison d’un ordre où la création de la terre et des eaux, leur séparation, les, productions du sol précèdent l’apparition des astres dans le ciel. On ne saurait dire en effet que la succession des jours corresponde à la dignité des objets, et que la fin et le milieu y soient mis en relief. Sur une période de, sept jours, le quatrième forme le milieu, et on sait que le : septième ne fut marqué, par aucune création. Dira-t-on que la lumière du premier jour soit dans un juste rapport avec le repos du septième, et qu’on puisse former ainsi une série harmonieuse, où le commencement réponde à la fin, où le milieu se dégage et reluit de fa clarté du ciel ? Mais