Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/182

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générique d’êtres privés de la raison, il convient de distinguer ici leur caractère spécifique. Les animaux qui rampent ou reptiles sont les serpents ; bien que cette qualification s’applique aussi à d’autres bêtes. Le nom de bêtes s’applique surtout aux animaux sauvages, lions, léopards, tigres, loups, renards : les chiens mêmes et les singes rentrent dans cette catégorie. Quant au mot pecora, bétail, il représente dans la langue ordinaire les animaux domestiques, soit qu’ils aident l’homme dans ses travaux, comme le bœuf et le cheval, soit qu’ils servent à le vêtir ou à le nourrir, comme les brebis et les porcs.
17. Quant au mot quadrupèdes, que signifie-t-il ? Tous les animaux que je viens de nommer, si l’on en excepte quelques-uns, les serpents, ont quatre pattes pour marcher, cependant l’Écriture n’a pas employé ce terme, quoiqu’elle le supprime dans le verset suivant, sans y attacher un sens particulier. A-t-elle donc entendu par là les cerfs, les daims, les onagres, les sangliers, animaux qui n’appartiennent pas à la classe des lions, et qui se rapprochent des bestiaux sans être domestiques ? Le nombre de leur pattes leur aurait-il valu ce nom générique devenu dès lors celui d’une espèce ? Serait-ce que l’expression selon leur espèce, répétée trois fois, nous avertirait de songer à trois espèces d’animaux ? D’abord on nomme les quadrupèdes et les reptiles, selon leur espèce: à cette classe se rattachent, selon moi, tous les reptiles pourvus de pattes, comme les lézards, les stellions. Le mot quadrupède n’est donc pas répété dans le verset suivant, parce qu’il est compris dans celui de reptile : remarquez en effet qu’on n’y dit pas « les reptiles » mais, « tous les reptiles de la terre : » de la terre, puisqu’ils appartiennent à la terre et aux eaux ; tous, puisqu’on y rattache les quadrupèdes spécialement désignés plus haut. Quant à la seconde espèce, celle des bêtes ; elle comprend tous les animaux armés de gueule et de griffes, à l’exclusion des serpents. La troisième espèce, celle des bestiaux, comprend les animaux qui ne sont pas carnassiers et qui n’ont pour défense que leurs cornes, quand encore ils en ont. J’ai prévenu que le mot quadrupède au sens très étendu, le nombre des pattes sert à caractériser toute cette classe ; et que, sous le nom de bêtes ou de bétail, on comprend quelquefois tous les animaux sans raison. Le mot fera en latin au sens analogue. Il était utile de faire remarquer que tous les termes employés par l’Écriture n’ont point été jetés au hasard, mais sont pris dans leur acception précise, comme on peut aisément le remarquer dans le langage ordinaire.

CHAPITRE XII. LA FORMULE, « SELON LEUR ESPÈCE » N’EST POINT EMPLOYÉE POUR L’HOMME.


18. Une question doit encore préoccuper le lecteur : c’est de savoir si la formule, selon leur espèce, a été jetée ça et là au hasard, ou si elle a pour but d’indiquer que le règne animal avait été créé dès l’origine et ne s’est divisé en espèces qu’à cette époque ; si, dis-je, il préexistait comme idéal dans les intelligences supérieures antérieurement créées. Dans cette hypothèse, l’Écriture, aurait dû employer cette expression pour marquer la formation de la lumière, du ciel, des eaux et de la terre, des flambeaux du ciel. Car leur raison d’être n’a-t-elle pas préexisté éternellement et immuablement dans la sagesse de Dieu, « qui s’étend avec force d’une extrémité à l’autre, et qui dispose tout avec douceur[1] ? » Or, l’emploi de cette formule ne commence qu’avec la création des végétaux et cesse avec la création des animaux terrestres. L’expression en effet, bien qu’elle ne soit pas employée dans le verset où Dieu commande.aueaux de produire les êtres qui leur conviennent, se retrouve encore dans le verset suivant : « Et Dieu fit les gros poissons, tous les animaux qui vivent et rampent et que les eaux avaient produits selon leur espèce ; puis, tous les oiseaux selon leur espèce. »
19. Comme les animaux sont destinés à se reproduire et à se transmettre leurs qualités originelles, faut-il voir dans l’expression sacrée la loi qui assure aux espèces la perpétuité ? Mais alors pourquoi est-il dit des arbres et des plantes que Dieu les fit, non seulement selon leur espèce, mais encore, selon leur ressemblance ? Les animaux terrestres ou aquatiques ne produisent-ils pas des êtres qui leur ressemblent ? Serait-ce que ; l’analogie des termes espèce et ressemblance a empêché l’auteur sacré de répéter le second ? Le mot semence n’est pas non plus répété partout ; cependant il y a des germes déposés chez la plupart des animaux comme chez les plantes ; je dis la plupart des animaux, parce qu’on a reconnu qu’il naissait des eaux ou de la terre des êtres sans organes de reproduction, ce qui indique que les germes ne sont pas déposés dans leur

  1. Sag. 8, 1