Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/185

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elle en fait un système vivant, elle en maintient l’unité, et triomphe si bien de l’indifférence, qu’aucun être ne voit son corps s’altérer ou se dissoudre sans un mouvement intérieur de résistance.

CHAPITRE XVII. POURQUOI CERTAINS ANIMAUX DÉVORENT-ILS LES CADAVRES ?


26. On va peut-être se demander avec quelque inquiétude pourquoi ces animaux carnassiers qui, en attaquant l’homme vivant, ne sont que des instruments pour lui faire expier se faute, lui valoir des souffrances salutaires, des épreuves utiles, et enfin lui donner des leçons à leur insu, pourquoi, dis-je, ces animaux déchirent les cadavres dans le but de se repaître ? Eh ! qu’importe en vérité que cette chair inanimée retourne, par cette voie ou par une autre, dans les profondeurs de la nature dont le Créateur doit la retirer un jour, par un miracle de sa puissance, pour lui rendre sa forme première ? Cependant, une foi éclairée peut tirer de là une leçon salutaire : il faut se confier entièrement au Créateur qui, par des ressorts cachés, fait mouvoir lotis les êtres depuis le plus grand jusqu’au plus petit et pour qui nos cheveux mêmes sont comptés[1] ; et, loin de redouter certains genres de mort, parce qu’on n’a pu préserver ses proches du trépas, se préparer à les souffrir tous avec une pieuse énergie.

CHAPITRE XVIII. A QUEL MOMENT ET DANS QUEL BUT ONT ÉTÉ CRÉÉS LES CHARDONS, LES ÉPINES, ET, EN GÉNÉRAL, LES PLANTES STÉRILES ?


27. Une question analogue à celles qui précèdent, consiste à savoir quand et pourquoi ont été créées certaines plantes stériles, puisque Dieu a dit : « Que la terre produise de l’herbe portant semence et des arbres fruitiers. » Ceux qu’un pareil problème occupe, ne songent pas.assezà ce qu’on appelle l’usufruit en terme de droit. Le mot fruit n’a rapport qu’à la jouissance du possesseur. Qu’ils examinent donc les avantagesque.l'hommerecueille ou petit recueillir des productions de la terre et qu’ils aillent pour le reste s’instruire auprès des personnes compétentes.
28. A propos des épines, et des chardons on pourrait répondre catégoriquement, en s’appuyant sur le passage où Dieu dit à l’homme : « La terre produira pour toi des épines et des chardons[2]. » Cependant il est difficile de décider si la terre les produisit alors pour la première fois : car, les plantes et arbustes de cette espèce étant utiles à beaucoup de points de vue, pouvaient exister avec les autres, sans être pour l’homme un instrument de supplice. Leur naissance dans les champs que l’homme dut labourer en expiation de sa faute, eut sans doute pour but d’aggraver sa punition, puisque partout ailleurs ils pouvaient servir d’aliments aux oiseaux et.aubétail, ou répondre même à quelque besoin de l’homme. Une autre explication d’ailleurs ne contredit en rien le sens attaché à la parole divine : « La terre produira pour toi des épines et des chardons. » On pourrait dire que le sol produisait déjà cette végétation, mais qu’elle était destinée à fournir aux animaux une nourriture agréable, et non à devenir pour l’homme une source de peines : on sait que parmi ces plantes, les plus sèches et les plus tendres offrent à certains animaux une pâture délicieuse et substantielle. Ainsi la terre aurait commencé à produire ces espèces de plantes et d’arbustes, pour condamner l’homme à un pénible travail, à l’époque seulement où sa faute l’obligea à labourer le sol. Je ne veux pas dire qu’elles naissaient ailleurs auparavant et qu’elles apparurent alors dans les champs qu’il travaillait pour y faire sa récolte ; non, elles se reproduisaient partout ; seulement il y eut alors entre elles et l’homme un rapport jusque-là inconnu. Aussi l’Écriture ne dit-elle pas : « La terre produira des ronces et des épines » sans ajouter le mot significatif : « pour toi » en d’autres termes, tu verras naître désormais pour ta peine des plantes, qui jusque-là ne servaient qu’à nourrir d’autres animaux.

CHAPITRE XIX. POURQUOI LE MOT « FAISONS » N’A-T-IL ÉTÉ PRONONCÉ QUE DANS LA CRÉATION DE L’HOMME.


29. « Et Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sûr

  1. Lc. 12, 7
  2. Gen. 3, 18