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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/188

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la création du corps. L’Écriture sait également couper court à l’opinion qui ferait du premier homme un monstre réunissant les deux sexes, un hermaphrodite comme il s’en produit quelquefois : elle fait sentir, en employant le singulier, qu’elle désigne l’union des sexes, et la naissance de la femme tirée du corps de l’homme, comme elle l’expliquera bientôt ; aussi ajoute-t-elle immédiatement au pluriel : « Et Dieu les créa et il les bénit. » Mais nous approfondirons ce sujet, quand nous traiterons de la création de l’homme dans la suite de la Genèse.

CHAPITRE XXIII. DU SENS DE LA FORMULE : « CELA SE FIT (Gen. 1, 30). »


35. Il nous reste à examiner pourquoi l’Écriture après avoir dit : « Cela se fit » ajoute immédiatement : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait : et ces œuvres étaient excellentes. » Ce passage aurait au pouvoir abandonné à l’espèce humaine de faire usage pour sa nourriture des végétaux et des arbres fruitiers : l’expression : « cela se fit » résume le récit sacré a partir des mots « Et Dieu dit : Voici que je vous ai donné l’herbe portant sa semence », etc. En effet, si cette formule avait une application plus étendue, il faudrait rigoureusement en conclure que, dans l’espace du sixième jour, l’espèce humaine s’était accrue, multipliée au point de peupler la terre, ce qui n’eut lieu, au témoignage de l’Écriture, que longtemps après. Par conséquent, cette expression signifie seulement que Dieu donna à l’homme la faculté de se nourrir, et que l’homme eut conscience de la parole divine : elle n’a pas d’autre sens. Supposons, en effet, que l’homme eût alors exécuté cet ordre et qu’il eût pris les aliments qu’on lui assignait, l’Écriture selon la forme habituelle de son récit, aurait ajouté à l’expression qui révèle que l’ordre est entendu, l’expression qui indique que l’ordre est accompli ; la formule : « il en fut ainsi » aurait été suivie des mots : Et ils en prirent, et ils en mangèrent. C’est le tour qu’elle emploie pour raconter l’œuvre du second jour : « Que l’eau qui est sous le ciel se rassemble en un même lieu et que la terre nue se montre. Il en fut ainsi : l’eau se rassembla en un même lieu. »

CHAPITRE XXIV. POURQUOI LA CRÉATION DE L’HOMME N’A-T-ELLE PAS ÉTÉ SPÉCIALEMENT APPROUVÉE ?


36. On doit remarquer qu’il n’a pas été dit pour l’homme comme pour les autres créatures : « Dieu vit qu’il était bon. » Après avoir créé l’homme, lui avoir donné le droit de commander, de se nourrir, Dieu embrasse l’ensemble de son œuvre « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et ces œuvres étaient parfaitement bonnes. » C’est une question qui vaut la peine d’être discutée. On aurait pu, en effet, accorder expressément à l’homme la faveur accordée à chaque espèce d’êtres, puis donner à l’ensemble l’approbation marquée par ces paroles : « Dieu vit que tout ce qu’il avait fait et ces œuvres étaient parfaitement bonnes. » Dira-t-on que l’œuvre du Créateur s’étant achevée le sixième jour, l’approbation divine devait porter sur l’ensemble de la création et non sur la création spéciale accomplie ce jour-là ? Pourquoi alors qualifier de bons les animaux domestiques ou sauvages et les reptiles, dont l’Écriture fait l’énumération dans le passage relatif au sixième jour ? Ces animaux auraient donc eu le privilège d’être approuvés à la fois en particulier et en général, et l’homme, créé à l’image de Dieu, n’aurait plu que dans l’ensemble de la nature ? Serait-ce qu’il n’avait pas encore atteint sa perfection, parce qu’il n’était point placé encore dans le Paradis ? Mais l’Écriture ne songe guère à réparer cette omission, quand l’homme est introduit dans ce séjour.
37. Comment donc expliquer cette exception ? N’est-il pas vraisemblable que Dieu, prévoyant la chute de l’homme et sa dégradation, l’a jugé bon, non en lui-même, mais comme partie de la création, et a en quelque sorte révélé sa déchéance ? Les êtres qui ont gardé la perfection relative où ils ont été créés, et qui n’ont point péché soit par choix soit par impuissance, sont parfaitement bons en eux-mêmes comme dans l’ensemble de la création. Remarquez ici la forme du superlatif. Les membres ont chacun leur beauté, et l’ensemble leur donne une beauté nouvelle. L’œil, par exemple, est admirable et plaît en lui-même ; isolé du corps, il n’aurait plus la beauté que lui valait sa place dans l’ensemble, soif rôle dans le concert des organes. Mais en perdant sa dignité première par l’effet du péché, la créature