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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/192

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eux-mêmes ? Avec d’autres rapports Mais alors ils n’ont pas serti à tout disposer, puisqu’eux-mêmes ont été réglés suivant d’autres rapports. Il est donc hors de doute que les idées selon lesquelles le monde a été disposé sont en dehors du monde.

CHAPITRE V. C’EST EN DIEU QU’EXISTE L’IDÉE DE MESURE, DE POIDS ET DE NOMBRE QUI PRÉSIDE A LA DISPOSITION DES OBJETS.


11. Ne vaut-il pas mieux croire que ce passage de l’Écriture revient à dire : Vous avez tout disposé de façon à établir partout la mesure, le nombre et le poids ? Je suppose que l’Écriture eût dit : Dieu a disposé les corps avec leurs couleurs ; il serait absurde d’en inférer que la Sagesse de Dieu, principe de la création, contenait en elle-même les couleurs pour les répandre sur les corps. On entendrait par là que Dieu a donné aux corps des formes susceptibles de se colorer. Mais comment comprendre que Dieu ait disposé les corps avec leurs couleurs ou qu’il leur ait donné des formes susceptibles de se colorer, à moins d’admettre qu’il y avait, dans la sagesse de l’ordonnateur, un plan selon lequel les couleurs devaient se distribuer sur les corps avec toutes leurs nuances ? A coup sûr ce dessein conçu par l’intelligence divine ne peut s’appeler la couleur elle-même. Je le répète, pourvu qu’on conçoive bien l’idée, peu importe le mot.
12. Supposons donc que la pensée de l’Écriture peut se traduire ainsi : tout a été disposé de façon à renfermer en soi mesure, nombre et poids, et tel est le principe qui fait varier dans chaque être, selon sa nature, la grandeur, la quantité, la pesanteur ; dira-t-on, parce que ces rapports varient sans cesse, que le plan selon lequel Dieu a tout combiné, varie avec eux ? Que Dieu lui-même nous préserve d’un tel aveuglement !

CHAPITRE VI. COMMENT DIEU VOYAIT-IL CES RAPPORTS ?


Pendant que tout s’organisait selon ces rapports de nombre, de mesure et de pesanteur, où l’organisateur les voyait-il ? Il ne les distinguait pas sans doute hors de lui, comme nous voyons les corps : d’ailleurs les corps n’existaient pas encore, puisqu’ils se combinaient pour se former, Il ne les apercevait pas non plus en lui-même, comme nous faisons par l’imagination qui nous représente les objets en leur absence, ou à l’aide des formes que nous avons vues, nous en fait concevoir de nouvelles. Comment donc apercevait-il-les objets dont il réglait les proportions ? Comment, dis-je, sinon de la manière dont seul il est capable de les voir ?
13. Pour nous, êtres bornés et esclaves du péché, dont l’âme gémit sous le poids d’un corps périssable et dont la raison, malgré toutes ses pensées, reste emprisonnée dans sa demeure terrestre[1], nous aurions beau avoir le cœur le plus pur et l’intelligence la plus dégagée des sens, nous aurions beau ressembler aux anges, l’essence divine ne saurait jamais se révéler à nous comme elle se manifeste à elle-même.

CHAPITRE VII. COMMENT DÉCOUVRONS-NOUS LA PERFECTION DU NOMBRE


Cependant, quand nous découvrons la perfection du nombre 6, nous ne la voyons pas hors de nous, comme les corps par l’intermédiaire des yeux ; ni en nous, comme les formes des objets absents ou les images du monde extérieur : nous les saisissons par une voie toute différente. En effet, bien que des images presque imperceptibles se présentent à l’esprit quand on considère les éléments dont se compose le nombre 6 et leur série, toutefois la raison, par son énergie souveraine, dissipe ces fantômes et contemple les propriétés absolues de ce nombre : cette perception lui fait reconnaître sans le plus léger doute que l’unité est simple et indivisible, tandis que la matière peut se diviser à l’infini, et que le ciel et la terre construits sur le type du nombre 6, passeront avant que la somme de ses parties aliquotes cesse de lui être égale. Que l’esprit de l’homme rende donc éternellement grâces au Créateur, qui lui a donné la faculté de voir des merveilles invisibles pour les oiseaux et les animaux, quoiqu’ils puissent apercevoir comme, nous le ciel, la terre, les luminaires du ciel, la mer et – tout ce qu’ils renferment.
14. Ainsi, nous ne devons pas dire que le nombre 6 est parfait, parce que Dieu a achevé tous ses ouvrages en six jours : loin de là, Dieu a achevé tous ses ouvrages en six jours parce que le nombre 6 est parfait ; supprimez le monde, ce

  1. Sag. 9,15