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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/211

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son auteur. Ensuite apparaît le firmament, et avec lui le monde physique commence. En troisième lieu, la mer et la terre s’organisent, et la végétation, est renfermée, si j’ose ainsi dire, virtuellement dans le sol. C’est à ce titre, en effet, que la terre, au commandement de Dieu, produisit les herbes et les plantes avant qu’elles eussent pris naissance ; elle contenait tous les germes qui avec le temps devaient se développer dans les proportions assignées à chaque espèce. Puis, quand le séjour fut prêt, les luminaires du ciel furent créés le quatrième jour, afin que la région supérieure de l’univers fût ornée des corps destinés à se mouvoir dans l’enceinte du monde. Au cinquième jour l’eau, l’élément qui a le plus d’affinité avec l’air et le ciel, produisit, au commandement de Dieu, ses habitants, je veux dire les poissons et les oiseaux : et cette création contint virtuellement tous les êtres qui devaient régulièrement se succéder avec le temps. Au sixième jour, le dernier des éléments produisit les derniers-nés de la création, la terre produisit les animaux terrestres, qui renfermaient virtuellement aussi tous les animaux que la suite des temps devait faire naître.
15. Le jour, tel que nous l’avons désigné, fut instruit de cet enchaînement des œuvres divines : cette révélation le fit assister, pour ainsi dire, à six reprises différentes, aux harmonies de la création, et produisit ainsi comme une période de six jours, quoique ce soit le même jour qui contemple la création, telle qu’elle s’accomplit dans la puissance divine, telle ensuite qu’elle s’aperçoit dans les œuvres de Dieu, et qui la ramène à sa fin, l’amour divin, établissant ainsi le soir, le matin, le midi, qui divisent chaque création, non d’après la chronologie, mais selon l’ordre qui préside à leur développement. Ce même jour reproduisit au point de vue intellectuel le repos que prit le Créateur après l’achèvement de toutes ses œuvres, et qui, à ce titre, n’eut pas de soir, et il mérita d’être béni et sanctifié. Voilà pourquoi le nombre sept est en quelque sorte consacré au Saint-Esprit : l’Écriture le célèbre[1] ; l’Église s’en souvient.
16. C’est donc ici le livre des origines de la terre et des cieux, en ce sens que Dieu fit au commencement le ciel et la terre, comme une substance perfectible, qui devait, à son commandement, prendre des formes spéciales, et qui précéda ces modifications, non dans le temps, mais en principe. Car, au moment qu’elle prit ses formes le jour naquit, et quand le jour naquit, Dieu fit le ciel et la terre, et la verdure des champs, avant qu’elle poussât sur la terre, et l’herbe des champs avant qu’elle prît naissance. Nous avons sur ce sujet développé notre pensée, sans préjudice des idées plus claires, plus conformes à la vérité, qui ont pu ou qui pourront être émises.

CHAPITRE VI. PEUT-ON INFÉRER, DE CE QU’IL N’AVAIT POINT ENCORE PLU SUR LA TERRE, QUE LA CRÉATION EST SIMULTANÉE ?


17. Quant au passage suivant : « car Dieu n’avait point encore fait tomber la pluie sur la terre et il n’y avait point d’homme pour cultiver la terre » il est assez difficile d’en découvrir la signification et la portée. Ne dirait-on pas que si Dieu fit alors la végétation et les herbes avant qu’elles eussent poussé leur jet, c’est que la pluie n’était pas encore tombée sur la terre ? S’il eût fait les herbes à la suite de la pluie, elles auraient paru avoir ce phénomène plutôt que sa puissance pour cause. Mais ce qui vient à la suite de la pluie en a-t-il moins Dieu pour principe ? Comment entendre aussi qu’il n’y avait point d’homme pour travailler la terre ? Dieu n’avait-il pas créé l’homme le sixième jour ? Ne s’était-il pas reposé le septième de toutes ses œuvres ? Ne faudrait-il voir dans ces paroles qu’un résumé de ce qui précède, par la raison qu’au moment où Dieu fit toute la verdure des champs et toutes les herbes, la pluie n’était point encore tombée, ni l’homme créé ? Dieu en effet fit les plantes le troisième jour et l’homme le sixième. Mais, quand Dieu fit la verdure et les herbes avant qu’elles eussent poussé, non seulement il n’y avait point d’hommes pour travailler le sol, mais il n’y avait pas même d’herbe, puisqu’elle fut créée, selon le témoignage de l’Écriture, avant de prendre naissance. Serait-ce que Dieu l’aurait faite le troisième jour, précisément parce qu’il n’existait pas encore d’homme dont le travail pût la faire naître ? Mais que de plantes, que d’arbres naissent sur la terre grâce au travail de l’homme !
18. L’Écriture aurait-elle voulu signaler à la fois l’absence de la pluie et du travail de l’homme Car, sans aucun travail de l’homme, la pluie suffit parfois à faire pousser l’herbe ; mais il y a aussi des herbages que la pluie, sans le concours de – l’homme, ne saurait produire. Ainsi

  1. Isa. 11, 2, 3