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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/264

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avant qu’ils se fussent unis, et qu’ayant été punis par une juste conséquence, ils furent condamnés à la mort et sortirent de ce séjour.debonheur. L’Écriture ne fixe point le temps qui s’écoula entre leur création et la naissance de Caïn. On pourrait aussi ajouter que Dieu ne leur avait point encore – fait le commandement de s’unir. Pourquoi en effet n’auraient-ils pas attendu que Dieu leur fit connaître sa volonté, quand la concupiscence n’aiguillonnait point encore la chair révoltée ? Or, Dieu n’avait point encore donné cet ordre, parce qu’il réglait tout selon sa prescience, et qu’il prévoyait sans aucun doute leur chute, qui allait gâter la source d’où le genre humain devait sortir.

CHAPITRE V. LA FEMME N’A ÉTÉ DONNÉE A L’HOMME POUR COMPAGNE QU’EN VUE DE LA PROPAGATION DE L’ESPÈCE.


9. Supposons que la femme n’ait pas été associée à l’homme pour propager l’espèce ; dans quel but lui a-t-elle été donnée ? Serait-ce en vue de cultiver avec lui la terre ? Mais le travail n’avait pas encore besoin de soulagement ; d’ailleurs l’homme aurait trouvé dans un autre homme un aide plus actif : il y aurait également trouvé un asile plus sûr contre les ennuis de l’isolement. En effet, pour le commun de la vie et de la conversation, ne s’établit-il pas entre deux amis une sympathie plus profonde qu’entre un mari et sa femme ? Admettons que l’un devait commander et l’autre obéir, afin que la paix ne fût pas troublée par quelque désaccord entre tes volontés : cette subordination aurait eu naturellement pour principe l’âge, puisque l’un aurait été créé après l’autre, comme le fut la femme. Objecterait-on qu’il eût été impossible à Dieu, s’il l’avait voulu, de tiret un homme de la côte d’Adam, comme il en tira un femme ? Bref, supprimez la propagation de l’espèce, l’union de la femme avec l’homme, à mes yeux, n’a plus aucun but.

CHAPITRE VI. COMMENT LES GÉNÉRATIONS SE SERAIENT-ELLES SUCCÉDÉ SANS LE PÉCHÉ D’ADAM ?


10. Aurait-il fallu que les pères sortissent de ce monde pour faire place à leurs enfants et que le genre humain atteignit, par une série de vides toujours comblés, un chiffre déterminé ? Il aurait été possible que les hommes, après avoir donné le jour à des enfants et rempli les devoirs de la vie ici-bas, eussent été transportés dans un séjour meilleur, en subissant non la mort, mais une transformation et peut-être ce changement merveilleux qui doit rendre à l’homme son corps et l’égaler aux Anges[1]. Cette transformation glorieuse ne dût-elle être accordée aux hommes qu’à la fin du monde et à la même heure ? Ils auraient pu passer à un état moins parfait, mais supérieur encore, soit à la vie humaine ici-bas, soit à la condition primitive de l’homme quand il sortit de la terre et que la femme fut tirée de sa chair.
11. Qu’on ne croie pas, en effet, qu’Élie soit dans l’état glorieux où seront les saints, lorsque chacun aura reçu son denier à la fin de la journée[2], ou que sa condition soit celle des hommes qui ne sont point encore sortis de ce monde, hors duquel il a été transporté sans mourir [3]. Son sort est meilleur que celui dont il pourrait jouir ici-bas ; cependant il ne possède point encore la récompense qui attend les justes au dernier jour, Dieu ayant voulu, par une faveur particulière, qu’ils ne parvinssent point avant nous à la félicité suprême[4]. Se figurerait-on qu’Elfe n’a pu mériter cette récompense parce qu’il aurait eu une femme et des enfants ? On croit bien qu’il n’a point été marié, parce que l’Écriture ne le dit pas, mais elle est également muette sur son célibat. Et que dira-t-on, si on fait observer qu’Hénoch plut au Seigneur, après avoir été père et fut enlevé sans mourir [5]? Dès lors, pourquoi Adam et Eve, s’il leur était né des fils d’une chaste union et qu’ils eussent passé leur vie dans la justice, n’auraient-ils pu céder la place à leur postérité et se voir enlever du monde sans mourir ? car, si Henoch et Élie, qui sont morts en Adam et qui, portant ce germe de mort dans leur chair, doivent revenir ici-bas, dit-on, pour y payer leur dette[6], et souffrir le trépas si longtemps ajourné, n’en sont pas moins dans un autre monde où, dans l’attente de la résurrection qui doit changer en un corps spirituel leur corps animal, ils ne ; s’affaiblissent ni de vieillesse ni de maladie ; n’aurait-il pas été plus juste, plus raisonnable d’accorder aux premiers hommes, qui n’auraient été sous le coup d’aucun péché soit volontaire soit originel, le privilège de céder ici-bas la place à leurs enfants et de passer dans une condition meilleure, en attendant qu’à la fin des siècles ils pussent avec toute la suite des saints, revêtir la forme des anges, sans subir l’épreuve de la mort, par un doux effet de la puissance divine ?

  1. Mt. 22, 30
  2. Mt. 20, 10
  3. 2 R. 2, 11
  4. Heb. 11, 40
  5. Gen. 5, 24
  6. Mal. 4, 5 ; Apoca. 11, 3-7