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QUESTIONS SUR L’HEPTATEUQUE

LIVRE PREMIER. QUESTIONS SUR LA GENÈSE.

INTRODUCTION.

En lisant les Saintes Écritures qui portent le titre de canoniques, et en collationnant avec les autres la version des Septante, il nous a paru bon, de peur d’en perdre la mémoire, de fixer par écrit les questions qui se présentaient à notre esprit. Tantôt nous les rappellerons en peu de mots ; tantôt nous nous contenterons de les examiner ; d’autres fois encore, nous en donnerons comme à la hâte une solution quelconque. Notre dessein n’est pas de les développer autant qu’il serait nécessaire, mais de pouvoir y jeter les yeux, quand besoin sera, soit pour y retrouver l’indication des recherches qu’il reste à faire, soit pour être à même d’approfondir le sujet, à l’aide de ce que nous croyons avoir déjà pu découvrir, et de répondre aux difficultés. Si donc il est des lecteurs que ne rebutent point les négligences de ce travail précipité, et s’ils remarquent des questions proposées et non résolues, ils ne doivent pas eu conclure qu’ils ont perdu leur peine : c’est déjà avoir trouvé quelque chose, que de savoir ce que l’on cherche. Quand nos solutions sembleront raisonnables, qu’on ne dédaigne pas la simplicité de notre langage, qu’on soit plutôt satisfait d’y découvrir quelque portion de la vérité : car on ne cherche pas la vérité pour discuter, mais on discute pour la chercher. Laissons de côté les questions relatives à ce qui s’est passé depuis le commencement, alors que Dieu, suivant le récit de l’Écriture, créa le ciel et la terre, jusqu’à l’époque où il chassa du paradis les deux premières créatures humaines. Ces questions peuvent être traitées de plusieurs manières, et nous les avons discutées nous-même ailleurs, selon nos forces[1] ; voici donc celles qui nous sont venues en pensée, au courant de la lecture, et que nous avons voulu laisser par écrit.


PREMIÈRE QUESTION. (Gen. 4, 17.) Comment Caïn a-t-il pu bâtir une ville ? Une ville exige évidemment une certaine quantité d’habitants. Or, il n’est parlé que des deux chefs de la famille humaine, et des deux fils dont l’un fut mis à mort par l’autre, et remplacé par la naissance d’un troisième. Si l’on fait cette question, n’est-ce point parce que les lecteurs s’imaginent qu’il n’y avait alors d’autres hommes que ceux dont l’Écriture rappelle la mémoire ? Mais ils ne réfléchissent pas que les deux premiers qui furent créés, et ceux qu’ils engendrèrent, vécurent assez longtemps pour en engendrer un grand nombres d’autres. Adam lui-même n’engendra pas seulement ceux dont les noms nous ont été conservés ; l’Écriture, parlant de lui, conclut en disant qu’il engendra des fils et des filles[2]. Enfin la vie de ces premiers hommes ayant été, beaucoup plus longue que celle des Israélites en Égypte, et ceux-ci ayant pu, dans un temps beaucoup moins long, se multiplier d’une manière si prodigieuse, qui ne comprend dès lors combien d’enfants ont pu naître au temps de Caïn et remplir sa cité


II. (Ib. 5, 25.) On demande souvent s’il est possible que Mathusalam ait vécu après le déluge; ce que prouve la supputation de ses années, tandis qu’il est dit que tous les hommes périrent, à l’exception de ceux qui étaient entrés dans l’arche. Mais ce qui donne lieu à cette question, c’est l’interpolation du texte dans plusieurs exemplaires. L’hébreu dit autrement, et en s’en tenant même au texte des Septante, on trouve dans plusieurs exemplaires, peu nombreux, il est vrai, mais plus dignes de foi, que Mathusalam mourut six ans avant le déluge.


III. (Ib. 6, 4.) On demande encore : comment les Anges ont-ils pu avoir avec les filles des hommes un commerce impur, d’où les géants, dit-on, seraient issus ? Cependant plusieurs exemplaires,

  1. Voir ci-devant les trois ouvrages sur la Genèse.
  2. Gen. 5, 4