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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/408

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donc en la personne du Christ que s’applique facilement ce passage, même relativement aux morts ; car, dit l’Apôtre, Dieu « lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers[1]. »
CXXIV. (Ib. 37, 23.) Les Madianites nommés Ismaélites.
– On demande pourquoi l’Écriture donne aux Ismaélites, à qui Joseph fut vendu par ses frères, un autre nom, le nom de Madianites, puisque Ismaël descend d’Abraham par Agar, et les Madianites par Céthura ? L’Écriture ayant dit qu’Abraham fit des présents aux fils de ses concubines, c’est-à-dire, d’Agar et de Céthura, et qu’il les éloigna de son fils Isaac pour les envoyer vers l’Orient[2], ne faut-il pas en conclure qu’ils ne formaient qu’une nation ?
CXXV. (Ib. 37, 35.) Filles de Jacob.
– Il est rapporté qu’au moment où Jacob pleurait Joseph, « tous ses fils et ses filles se réunirent, et vinrent le consoler. » Outre Dina, quelles filles eut Jacob ? En parlant de fils et de filles, ne compte-t-on pas les petits-fils et les petites-filles ? Car les fils aînés de Jacob pouvaient déjà avoir des enfants. CXXVI. (Ib. 37, 35.) Quel est l’enfer dont parle Jacob ?
– « Mais il ne voulut pas être consolé, et il disait : Ma tristesse me conduira aux enfers avec mon fils. » Que faut-il entendre ici par l’enfer ? sujet ordinaire d’une grande question. Est-ce exclusivement le séjour des méchants, ou le séjour commun aux bons et aux méchants après leur mort. S’il n’est destiné qu’aux méchants, comment donc Jacob dit-il qu’il veut dans sa tristesse y descendre auprès de son fils ? Car il ne croit pas que son fils subisse les tourments de l’enfer. Serait-ce là les paroles d’un homme à qui son trouble et sa désolation font exagérer ses maux ?
CXXVII. (Ib. 37, 36.) Qu’était-ce que Pétéphrès?
– « Et ils vendirent Joseph pour l’Égypte à l’eunuque Pétéphrès, chef des cuisiniers. » Plusieurs interprètes rejettent le mot chef des cuisiniers, qui se rend en grec par arkhimageiros, et traduisent par : maître de la milice, celui à qui appartenait le droit de mettre à mort. Le même nom, en effet, était donné à cet envoyé de Nabuchodonosor, qui était plutôt un général.


CXXVIII. (Ib. 38, 1-3.) Question chronologique.
– « Or, en ce temps-là il arriva que Juda quitta ses frères et vint chez un homme d’Odolla, nommé Iras ; et ayant vu en ce lieu la fille d’un Chananéen, nommé Sara, Juda l’épousa, vécut avec elle, et elle conçut et elle enfanta un fils » et le reste. À quelle époque ont pu s’accomplir ces évènements ? Si c’est après la venue de Joseph en Égypte, comment, dans l’intervalle de vingt-deux ans à peine, (car il est constant que c’est dans cet intervalle que les frères de Joseph sont venus le rejoindre en Égypte avec leur père,) comment a-t-il pu se faire que les fils de Juda fussent tous arrivés en âge de se marier ? En effet, après la mort de l’aîné de ses fils, il accorda à Thamar, sa belle-fille, son second fils ; celui-ci étant mort à son tour, il attendit que le troisième fut devenu grand ; et quand il fut en âge, il ne le donna point à sa belle-fille, dans la crainte qu’il ne vînt à mourir aussi : ce qui fut cause qu’elle, se livra à son propre beau-père. Comment donc tout cela put-il se réaliser en si peu d’années ? Cette question est embarrassante, à moins peut-être qu’on n’admette que l’Écriture reprend ici sa narration de plus haut, selon son ordinaire ; alors il serait permis de penser que l’origine de ces évènements précéda la vente de Joseph : c’est en ce sens qu’il serait dit : « Or il arriva dans ce temps-là. » Néanmoins, si Joseph avait dix-sept ans quand il fut vendu, quel âge pouvait avoir Juda, le quatrième fils de Jacob, quand Ruben, l’aîné des fils, avait au plus cinq ou six ans de plus que son frère Joseph ? L’Écriture dit clairement que Joseph avait trente ans, quand il fut connu de Pharaon[3]. Puisqu’on croit qu’il avait dix-sept ans, quand il fut vendu, il passa donc treize années en Égypte sans être connu de Pharaon ; à ces treize années se joignirent les sept années d’abondance, ce qui porte le nombre à vingt ; à ces vingt années s’en ajoutent encore deux, car c’est la seconde année de la famine que Jacob entra en Égypte avec ses enfants. On trouve ainsi vingt-deux années, pendant lesquelles Joseph fut éloigné de son père et de ses frères. Comment, dans cet intervalle, ont pu s’accomplir toutes les particularités mentionnées par l’Écriture au sujet de l’épouse, des fils et de la belle-fille de Juda ? Il serait difficile de le découvrir, à moins qu’on n’admette (et la chose a pu se faire) que Juda, à peine adolescent, fut épris, d’amour pour celle qu’il épousa, et que Joseph n’était pas encore à cette époque vendu pour l’Égypte.

  1. Phi. 2, 9-10
  2. Gen. 25, 6
  3. Gen. 41, 46