jour où la divinité elle-même se fit voir non sans éclat dans la personne de Joseph, il fallut mettre en relief dans son beau-père une charge qui le rattacherait à quelque dignité principale ; dans l’opinion des Égyptiens, cette dignité, ne pouvait être que celle de Prêtre du soleil. Mais au milieu de tout cela, comme l’emploi de chef des gardes des prisons lui fut encore confié, il est fort difficile de croire que ces fonctions s’allièrent en lui avec celles du sacerdoce. Ensuite il n’est pas dit simplement, qu’il était prêtre du soleil, mais de la ville du soleil, autrement d’Héliopolis ; or il paraît qu’elle est à plus de vingt milles de Memphis, où les Pharaons, c’est-à-dire les rois d’Égypte, avaient établi leur principale résidence. Comment donc aurait-il pu quitter ses fonctions sacerdotales, et servir courageusement son roi à la tête des armées ? De plus, il est rapporté que jamais les prêtres égyptiens ne servirent que dans les temples de Dieu, ni ne remplirent aucun autre emploi ; en fut-il autrement dans ce cas-ci ? Chacun peut en croire ce qu’il lui plaît. Peu importe néanmoins la solution de cette question, qu’il n’y ait eu qu’un Pétéphrès, ou qu’il y en ait eu deux : car, quelle que soit l’hypothèse qu’on admette, elle reconstitue pas un danger pour la foi et ne contrarie en rien la vérité des divines Écritures.
CXXXVII. (Ib. 41, 49.) Que signifie : Car il n’y avait plus de nombre ?
– « Et Joseph amassa du froment en quantité prodigieuse, comme le sable de la mer, de sorte qu’on ne pouvait plus compter : car il n’y avait plus de nombre. » Ces derniers mots : car il n’y avait plus de nombre, sont mis pour signifier que la quantité dépassait tous les nombres dont le nom était usité dans la langue, et qu’on ne trouvait plus de terme pour les exprimer. Comment en effet les nombres manqueraient-ils pour marquer une quantité, puisque, si grande qu’on la suppose, elle est néanmoins toujours finie ? Ceci pouvait cependant se dire encore par hyperbole.
CXXXVIII. (Ib. 42, 9.) Sur l’accomplissement des songes de Joseph.
– « Et Joseph se souvint des songes qu’il avait eus autrefois » car ses frères venaient de l’adorer. Cependant il faut chercher dans ces songes une pensée plus haute. Car les paroles de reproche que Joseph reçut de son père[1], à cause de la vision du soleil et de la lune qu’il avait eue, n’ont pu avoir leur accomplissement de la même manière, dans la personne de son père encore en vie, et de sa mère déjà morte.
CXXXIX. (Ib. 42, 15-16.) Sur le serment de Joseph : « Par le salut de Pharaon. »
– Comment Joseph, cet homme si sage et si digne d’éloges, au témoignage non seulement de ceux parmi lesquels il vécut, mais encore de l’Écriture, jure-t-il ainsi. « parle salut, de Pharaon » que ses frères ne sortiront pas d’Égypte, sans que leur plus jeune frère ne soit venu ? Est-ce que le salut de Pharaon, envers qui il était fidèle en toutes choses comme à son premier maître, était devenu peu digne d’estime aux yeux de cet homme bon et fidèle ? Car s’il se montra irréprochable envers le maître qui l’avait acheté en qualité d’esclave, combien plus devait-il l’être à l’égard de celui qui l’avait élevé à un si haut point d’honneur ? Et s’il faisait peu de cas du salut de Pharaon, ne devait-il pas du moins éviter d e se parjurer pour le salut de qui que ce pût être ? Mais y eut-il parjure ? Il retint un de ses frères jusqu’à l’arrivée de Benjamin, et il vérifia ce qu’il avait dit : « Vous ne sortirez point d’ici, si votre frère ne vient pas. » Ces paroles ne pouvaient s’adresser à tous ; comment en effet Benjamin serait-il venu, si quelques-uns n’étaient repartis pour l’amener ? Mais la question devient encore plus pressante d’après les paroles suivantes qui renferment un second serment : « Envoyez l’un de vous, et amenez votre frère ; cependant vous serez conduits en prison, jusqu’à ce qu’on voie si ce que vous dites est vrai ou non : autrement, par le salut de Pharaon, vous êtes des espions » c’est-à-dire, si vous ne dites pas la vérité, vous êtes des espions. Il confirme sa décision en jurant que s’ils ne disent pas la vérité, ils seront des espions, en d’autres termes, dignes du châtiment des espions : il savait cependant qu’ils disaient la vérité. Or, on n’est pas parjure, pour dire à quelqu’un dont on connaît parfaitement l’innocence : Si vous avez commis cet adultère dont on vous accuse, Dieu vous condamne, ni pour joindre à ces paroles la formule d’un serment ; car ce serment ne contient rien que de vrai. Il renferme en effet cette condition : Si tu es coupable, quoiqu’on soit certain que celui à qui on s’adresse, est innocent. Mais dira quelqu’un : Il est vrai que si l’adultère a été commis, Dieu punira le coupable ; mais comment ceci peut-il être vrai : Si vous ne dites pas la vérité, vous êtes des espions, puisque, fussent-ils menteurs, ils ne seraient pas des espions ?