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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/492

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il voir dans cette loi du Seigneur une défense absolue de boire du vin ? Mais alors pourquoi cette défense n’est-elle pas formulée dans ces quelques mots : « Vous ne boirez point de vin ? » pourquoi cette addition : « Lorsque vous entrerez dans le tabernacle, ou lorsque vous approcherez de l’autel ? » Serait-ce qu’il ne fallait pas laisser ignorer la cause de cette défense, dès là surtout que Dieu savait par avance qu’il y aurait dans la suite, non par ordre de succession, mais simultanément, un grand nombre même de grand-prêtres qui sacrifieraient tour-à-tour dans le tabernacle, y offriraient l’encens et rempliraient les autres fonctions ? Au moment où les uns ne pouvaient boire, parce qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, la défense devait être levée pour les autres. Y a-t-il encore un autre sens à donner à ce passage ? Après avoir défendu aux prêtres l’usage du vin et des boissons enivrantes, Dieu ajoute. « C’est une loi éternelle pour votre postérité[1] : » on ne voit pas clairement si ces dernières paroles doivent se relier pour le sens à l’interdiction qui vient d’être portée ; ou bien s’il faut les rattacher à ce qui suit : « Afin de distinguer entre le saint et le profane, le pur et l’impur ; et d’apprendre aux enfants d’Israël toutes les ordonnances que le Seigneur leur a fait connaître par l’intermédiaire Moïse : » ce devoir des prêtres serait l’objet de la Loi qui devait éternellement s’accomplir parmi leur postérité. Souvent déjà nous avons dit le sens qui s’attache à ce mot : éternel. Il y a encore de l’obscurité dans ces paroles : « Distinguer entre le saint et le profane, le pur et l’impur:» est-il question ici des choses saintes et pures, des choses impures et souillées ; ou bien des personnes pures et saintes, souillées et impures ? Le discernement que devaient faire les prêtres concernait-il les choses qu’il était permis ou non d’offrir à Dieu ; ou les hommes, selon qu’ils étaient dignes d’éloge ou de blâme ? ou plutôt ne concernait-il pas à la fois et les hommes et les choses saintes ?
XXXIV. (Ib. 10, 14.) Soins donnés aux portions de la victime appartenant aux prêtres. – « Vous mangerez dans le lieu saint la poitrine de séparation et l’épaule d’enlèvement. » Ces deux portions de la victime sont désignées sous des noms différents ; mais l’une et l’autre pouvaient s’appeler de séparation, car l’une et l’autre étaient séparées pour le prêtre ; elles pouvaient également s’appeler toutes deux d'enlèvement ou de retranchement, en grec ἀφαιρέμα, car, pour être données au prêtre, elles étaient retranchées et enlevées à ceux pour qui elles étaient offertes. Ce n’est pas sans raison toutefois que nous lisons plus haut la poitrine d’imposition et l’épaule d’enlèvement : nulle portion de l’épaule en effet, n’était posée sur l’autel, tandis que la graisse de la poitrine y était déposée.
XXXV. (Ib. 10, 14.) Des sacrifices pacifiques. – Pourquoi l’Écriture appelle-t-elle sacrifices pour les choses salutaires ce qu’elle nomme ailleurs sacrifices pour la chose salutaire ? Et pourquoi dit-elle au singulier sacrifice pour la chose salutaire en parlant du même objet ? Par ces mots : « des sacrifices pour les choses salutaires », aurait-elle voulu dire : pour les santés ? » Dans ce passage des psaumes : « Exaucez-nous, Dieu de nos santés[2] », le grec porte en effet le même mot qu’ici, c’est-à-dire σωτηρίων génitif pluriel, qui peut venir aussi bien de salus que de salutare: car σωτηρια signifie salut ou santé, et fait τῶν σωτηρίων génitif pluriel ; et salutare se rend par σωτἡριον, dont le génitif pluriel est identiquement le même. Si donc il est permis d’interpréter le sacrifice pour le salut dans le sens de sacrifice salutaire, parce que le salut vient de ce qui est salutaire et que ce qui est salutaire, c’est ce qui donne le salut, nous ne sommes point obligés de traduire sacrificium salutarium par sacrifices pour plusieurs choses salutaires, mais peut-être cela signifie-t-il : pour plusieurs santés, qui auraient leur source dans une seule chose salutaire. Quant au salut qui vient de Dieu, la foi chrétienne le connaît ; c’est de lui qu’il est dit : « Je prendrai le calice du salut[3] ;» et Siméon le désigne en ces termes : « J’ai vu de mes yeux votre salut[4]. » Il est certes bien permis d’appeler sacrifices salutaires les sacrifices pour le salut.
XXXVI. (Ib. 10, 15-20.) Sur la part réservée da les sacrifices aux membres de la famille du grand-Prêtre. – « Ce sera pour toi, tes fils et tes filles une loi perpétuelle. » Ces mots : « et tes filles » ne sont pas ajoutés ici sans raison : car, parmi les portions des victimes réservées aux prêtres, en est quelques-unes dont les femmes ne pouvaient manger, tandis que les hommes devaient s’en nourrir.
2. Pourquoi les rites accoutumés ne furent point observés dans les sacrifices du premier jour Moïse, ayant cherché le bouc qui avait été offert pour le péché, et ne le trouvant

  1. Lev. 10, 9
  2. Psa. 64, 6
  3. Psa. 115, 13
  4. Luc. 2, 30