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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/523

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un miracle et de commander à l’eau, au feu ou à l’abîme de dévorer toutes les victimes qu’ils trouveraient, dès lors que la séparation d’avec les méchants était possible ? C’est ainsi qu’à la fin le froment sera séparé de l’ivraie : les méchants brûleront dans les flammes, et les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père[1].
XXVIII. (Ib. 16, 30.) Sur le sens de : in visione. – Moïse dit, à propos de Choré, Abiron et Dathan, que : « Dieu montrera manifestement, in visione, et que la terre s’entrouvrant, les dévorera. » Quelques-uns ont traduit : « Le Seigneur montrera dans l’abîme ouvert ; » je pense qu’ils ont lu khasmati à la place du mot phasmati qui signifie : manifestation ; en sorte que le sens de la phrase est que le prodige frappera tous les yeux. In visione ne signifie donc point dans ce passage les visions qui apparaissent dans le sommeil ou dans l’extase : mais, comme je l’ai dit, une éclatante manifestation. Plusieurs prenant le mot grec dans une autre acception, ont voulu le traduire par « fantôme ; » mais cette expression est si opposée aux habitudes de notre langage, que nous l’employons presque exclusivement pour signifier les illusions dont le sens de la vue est victime ; il est vrai que, selon l’étymologie, il pourrait signifier la vue d’un objet véritable ; mais, je le répète, l’usage a prévalu de se servir d’un autre mot.
XXIX. (Ib. 16, 32,33.) Que faut-il entendre par l’enfer où furent précipités Choré, Dathan et Abiron? – « Et ils descendirent vivants aux « enfers, avec tout ce qui leur appartenait. » Il faut observer qu’il s’agit ici de l’enfer terrestre, en d’autres termes, des entrailles de la terre. Car ce nom d’enfer revient souvent dans l’Écriture et avec des acceptions très-différents, suivant l’objet auquel il se rapporte ; on l’emploie surtout en parlant des morts. Mais comme l’Écriture rapporte que ces hommes descendirent vivants aux enfers, et que le récit fait assez entendre ce que cela signifie, il est évident que les parties inférieures du sol reçoivent ici le nom d’enfer, par opposition avec cette partie de la terre dont la surface est habitée : c’est ainsi que l’Écriture dit, par opposition avec le ciel supérieur où demeurent les saints Anges, que les Anges prévaricateurs furent précipités dans les ténèbres de l’air et en quelque sorte réservés aux châtiments des cachots de l’enfer. « Car si Dieu, dit-elle, n’a point épargné les Anges qui ont péché, mais, les ayant refoulés dans les cachots ténébreux de l’enfer, les a livrés afin qu’ils fussent tenus en réserve pour être punis au jugement[2] ; l’Apôtre Paul n’appelle-t-il point aussi le démon « prince de la puissance de l’air, qui agit maintenant dans les âmes incrédules[3] ? »
XXX. (Ib. 16, 36-40.) Dieu veut que les encensoirs de Choré, Dathan et Abiron lui soient consacrés. – « Le Seigneur dit ensuite à Moïse et au prêtre Eléazar, fils d’Aaron : Prenez les encensoirs d’airain du milieu de ceux que les flammes ont dévorés, et sème là ce feu étranger parce que les encensoirs de ces pécheurs ont été sanctifiés parleurs âmes (leur mort) ; et fais-en des lames flexibles pour les placer autour de l’autel, car ils ont été offerts devant le Seigneur et sanctifiés, et ils sont devenus un avertissement pour les enfants d’Israël. » Voici, selon moi, la raison pour laquelle Dieu ne s’adresse point ici, comme précédemment, à Moïse et à Aaron, mais à Moïse et à Eléazar, fils d’Aaron. Il s’agissait de montrer de quelle race devaient être les prêtres, car le crime de ces trois hommes fut précisément d’avoir voulu, quoique étrangers à la tribu de Lévi, usurper le ministère sacerdotal ; de là le châtiment terrible et surprenant qui mit fin à leurs jours. Dans ce dessein, Dieu ne veut point adresser la parole à Aaron, qui était déjà grand-prêtre, mais il l’adresse à Eléazar, qui devait lui succéder et remplissait déjà les fonctions secondaires du sacerdoce ; par là il assure au sein de la même famille l’ordre de succession dans le ministère sacerdotal. Aussi l’Écriture ajoute-t-elle : « Eléazar, fils du prêtre Aaron, prit tous les encensoirs d’airain, dans lesquels ceux qui furent brûlés avaient fait leur offrande, et il les plaça comme un nouvel ornement autour de l’autel, afin de rappeler par là aux enfants d’Israël que nul étranger à la famille d’Aaron ne doit s’approcher pour offrir de l’encens devant le Seigneur ; c’est ainsi qu’ils éviteront le châtiment de Choré et de ses complices, selon ce que le Seigneur a dit parla main de Moïse. » Le dessein de Dieu, dans cette démarche qu’il commande à Eléazar, était donc d’assurer en sa personne, non point le sacerdoce, qui appartenait à Aaron, mais le droit de succession dans le ministère sacerdotal. Quant à ces mots : « Sème là ce feu étranger » ils signifient :

  1. Mat. 13, 30, 43.
  2. 2Pi. 2, 4
  3. Eph. 2, 2.