Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/585

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dire, qu’elle tombe a l’instant ; à quoi tient-il qu’elle n’éclate ? la menace à quelque chose de plus véhément, sa puissance paraît plus efficace, plus présente, que si l’on disait, en menaçant d’une vengeance à venir : ma colère sévira.
XLV. (Ib. 9, 23.) Dieu envoie-t-il ou laisse-t-il seulement aller l’esprit mauvais ? – « Et le Seigneur envoya un esprit malin entre Abimélech et des hommes de Sichem. » Ces paroles expriment-elles un ordre, ou seulement une permission de la part du Seigneur ? C’est ce qui n’est point facile à décider. Le terme employé ici est : emisit, il envoya, et dans le grec on lit aussi : il envoya, ἐξαπέστειλεν, comme dans le Psaume « Envoyez votre lumière[1]. » Il est vrai que dans certains endroits, nos interprètes rendent le mot grec ἐξαπέστειλεν, non par : il envoya, mais par il laissa partir. On peut donc entendre que Dieu a laissé partir un esprit mauvais qui voulait aller au milieu d’eux, en d’autres termes, qu’il lui a donné le pouvoir de troubler la paix parmi eux. Il paraît d’ailleurs si peu impossible que Dieu envoie un esprit mauvais pour exercer sa juste vengeance, que certains interprètes ont même été jusqu’à rendre l’expression : ἐξαπέστειλεν, par : il mit au-dedans d’eux.
XLVI. (Ib. 9, 32, 33.) Le matin et le lever du soleil sont des termes identiques. – Zébul, gouverneur de la ville de Sichem, fait dire aux émissaires d’Abimélech ces paroles : « Et maintenant lève-toi pendant la nuit, toi, et ton peuple avec toi, et dresse des embuscades dans la campagne. Et le matin, lorsque le soleil se lève, tu te hâteras, et tu te précipiteras sur la ville. » Là où les exemplaires latins portent : tu te hâteras, maturabis, ou, selon quelques-uns : manicabis; le texte grec porte, ce que l’on ne peut rendre par un seul mot : «tu te lèveras au point du jour. » Peut-être l’expression latine maturabis, tu te hâteras, dérive-t-elle du mot matutinum, matin, bien qu’elle soit prise pour exprimer la rapidité dans l’exécution d’une chose, en quelque temps que ce soit. Quant à l’expression : manicabis, je ne vois pas de terme latin qui lui corresponde. Mais comment après avoir dit : « aussitôt que le soleil se lève » ajoute-t-il : « tu te lèveras au point du jour ? » Le point du jour, en grec ὀρθρος, marque le temps qui précède le lever du soleil, ou ce que, dans le langage usuel, on appelle les premiers rayons de l’aube. Quand donc l’auteur sacré dit : « le matin » cela doit s’entendre du point du jour, et s’il ajoute : « aussitôt que le soleil se lève » c’est pour exprimer que l’avis doit être exécuté, non après le soleil levé, mais aussitôt que ses premiers rayons paraissent à l’orient. La blancheur de l’aube n’a point, en effet, d’autre cause que le retour des premiers rayons du soleil qui viennent frapper l’orient. C’est pourquoi le même événement rapporté par deux évangélistes est placé par l’un au grand matin[2], quand les ténèbres n’étaient point encore dissipées, et par l’autre au lever du soleil, parce que la lumière de l’aube, si faible qu’elle fût, provenait du lever du soleil, c’est-à-dire, de son approche vers l’horizon et de l’éclat projeté par sa présence. Quelques ignorants ont imaginé que cette lumière de l’aube n’était point celle du soleil, mais la lumière primitive créée avant le soleil, que Dieu fit au quatrième jour.

XLVII. (Ib. 10, 1.) Discussion grammaticale et généalogique. – « Après Abimélech, ce fut Thola « qui s’éleva pour sauver Israël, Thola fils de Phua fils du frère du père d’Abimélech filius patris fratris homme d’Issachor. » L’Écriture semble appeler Thola, qui est fils de l’oncle d’Abimélech, fils du père de son frère, filius patris fratris, quand il faudrait pour parler régulièrement dire conformément à l’usage : filius fratris patris, fils du frère de son père, ce qui serait plus clair. Thola, en effet, comme on le voit avec la dernière évidence dans la version faite sur l’hébreu, était fils de l’oncle d’Abimélech. Des deux noms : du frère et du père, tous deux au génitif, c’est frère qui est sujet : et père qui est régime : le frère du père, c’est-à-dire l’oncle, et non pas : le père du frère. Les deux noms sont au génitif, quel que soit celui que l’on prenne pour sujet. Mais une autre question s’élève. Comment un « homme d’Issachor » c’est-à-dire de la tribu d’Issachor, put-il être oncle paternel d’Abimélech, qui était fils de Gédéon, de la tribu de Manassé ? Comment Phua et Gédéon furent-ils frères, de manière que Phua put être oncle paternel d’Abimélech, et avoir pour fils Thola, qui fut, selon le récit de l’Écriture, successeur d’Ahimélech ? Gédéon et Phua purent avoir la même mère, quoique nés de pères différents ; ils furent ainsi frères de mère et non de père. Il n’était point rare que les femmes épousassent des hommes de tribus diverses. Saül, qui était de la tribu de Benjamin, donna sa fille à David, qui était de la tribu de Juda[3]. Le pré-prêtre

  1. Psa. 42, 3.
  2. Mrc. 16, 2 ; Jn. 20, 1
  3. 1Sa. 18, 27