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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/182

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est mon héritage pour l’éternité ». Son cœur est donc chaste, il aime Dieu gratuitement sans lui demander d’autre récompense. Demander à Dieu toute autre récompense que lui-même, et le servir dans ce dessein, c’est estimer ce que l’on demande plus que Dieu dont on l’attend. Mais quoi ! Dieu n’a-t-il donc nulle récompense à nous donner ? Aucune, si ce n’est lui-même. La récompense de Dieu, est Dieu même. Voilà pour le Prophète l’objet de son amour, de ses transports : tout autre amour ne Serait plus un amour chaste. Loin de ce feu immortel, c’est le froid, c’est la corruption. Ne t’en éloigne point, ô mon frère, tu aurais pour apanage la corruption, pour apanage la souillure. Asaph revient, il cède au repentir, il choisit la pénitence, il s’écrie : « Dieu est mon partage ». Quelles délices pour lui dans ce partage qu’il a choisi !
33. « Voilà qu’ils périront, ceux qui s’éloignent de vous[1] ». Celui-ci donc s’était « éloigné de Dieu, mais pas loin. « Je ressemble », dit-il, « au stupide animal, mais je suis toujours avec vous ». Les autres, au contraire, se sont retirés bien loin de Dieu ; car non seulement ils ont désiré les biens terrestres, mais ils les ont demandés aux mauvais anges et au diable. « Ceux qui s’éloignent de vous, périront ». Et qu’est-ce que s’éloigner de Dieu ? « Vous perdrez, Seigneur, quiconque porte son amour à d’autre qu’à vous ». L’amour chaste est opposé à cette fornication spirituelle. Qu’est-ce que l’amour chaste ? L’amour de l’âme pour Dieu son Époux. Mais que désire-t-elle de cet Époux qu’elle aime de toute sa flamme ? Va-t-elle, comme les femmes de la terre, se choisir un homme pour gendre ou pour Époux, et lui demander les richesses, comme si elle n’aimait que son or, ses campagnes, son argent, ses pierreries, ses chevaux, ses esclaves, et le reste ? Point du tout. Asaph n’aime que Dieu, il l’aime gratuitement parce qu’il trouve en lui toutes choses, et que c’est par lui que tout a été fait[2]. « Vous perdrez », dit-il, « tous ceux qui portent loin de vous leur amour ».
34. Mais toi, Prophète, que fais-tu ? « Pour moi, il m’est bon de m’attacher au Seigneur[3] ». C’est là le comble des biens, Désires-tu mieux ? Je te plains de ton désir. Mes frères, que voulez-vous de plus ? Le bien suprême est de nous attacher à Dieu, quand nous le verrons face à face[4]. Et quel est le bien aujourd’hui ? Aujourd’hui, que je parle en étranger, « mon bien est de m’attacher à Dieu » ; mais comme je ne suis que voyageur, comme je n’ai pas encore atteint le but, « je mets en Dieu mon espérance ». Tant que tu n’es pas encore attaché à Dieu, mets en lui ton espoir. Es-tu dans l’agitation ? Jette l’ancre sur la terre ferme. Adhère au Seigneur, sinon par la présence, du moins par l’espoir. « Mon bien est de mettre en Dieu mon espérance ». Et qu’arrivera-t-il, si tu mets en Dieu ton espoir ? Que devras-tu faire, sinon louer le Seigneur, et le faire bénir par les autres ? Si tu étais partisan d’un habile cocher, ne forcerais-tu pas les autres à l’aimer avec toi ? Tout partisan d’un cocher parle de lui partout sur son passage, il veut déterminer les autres à l’aimer aussi. On aime gratuitement des hommes flétris, et l’on ne veut pas aimer Dieu sans récompense ! Aimez donc le Seigneur gratuitement, et n’enviez cet amour à personne. Emparez-vous de lui, vous tous qui le pouvez, vous tous qui devez le posséder. Il peut vous suffire, car il ne connaît point de limites ; vous le posséderez tous tout entier, il est tout entier à chacun de vous. Que ce soit donc là ton occupation, ô mon frère, dans ton séjour ici-bas, mets ton espoir dans le Seigneur. Que dit ensuite le Prophète ? « Afin que je publie toutes vos louanges, sous les portiques de la fille de Sion ». « Afin que je publie toutes vos louanges », dit le Prophète, mais où ? « Sous les portiques de la fille de Sion » ; parce que l’on prêche Dieu inutilement, en dehors de l’Église. C’est peu de louer Dieu, c’est peu de publier toutes ses louanges. Il faut le prêcher « sous les portiques de la fille de Sion ». Cherche l’unité de l’Église, et ne jette point le schisme parmi les peuples, porte-les à l’unité, n’en fais qu’un seul corps. J’ai oublié depuis quel temps je vous parle. Notre psaume est fini ; la sueur me fait conjecturer que j’ai parlé bien longtemps : mais il m’est difficile de vous satisfaire ; vous me faites violence, et puissiez-vous par cette violence ravir le ciel !

  1. Ps. 72,27
  2. Jn. 1,3
  3. Ps. 72,28
  4. 1 Cor. 13,12