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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/183

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DISCOURS SUR LE PSAUME 73

SERMON AU PEUPLE.

LA FOI PASSE DES JUIFS AUX GENTILS.

C’est la synagogue ou le peuple Juif qui parle dans ce psaume, lequel parait faire suite au précédent, car il s’agit de la disparition des figures de l’Ancien Testament, de la destruction de la ville et du temple, qui étaient des monuments de la promesse de Dieu. Aujourd’hui que l’homme céleste a paru, l’homme terrestre a dû disparaître. Dieu fit d’abord des promesses temporelles à l’homme encore enfant ; puis des promesses spirituelles à l’homme devenu adulte. Les premières ont dû disparaître avec l’Ancien Testament, pour faire place aux promesses du ciel. Pour s’être attachés aux premières, tes Juifs ont perdu et les biens temporels et les biens célestes. – Néanmoins la synagogue est l’héritage de Dieu, héritage délivré par Moïse dont la houlette figurait le Christ, et recruté parmi les Juifs et parmi les Gentils. En réprimant ces derniers, Dieu leur a fait connaître le Christ. Dès lors les figures devaient disparaître. Rome alors exécuta contre Jérusalem la volonté de Dieu sans la connaître, puis crut au Messie, que la synagogue attend toujours. Toutefois les Juifs sortis du sein de Dieu, et lépreux comme la main de Moïse, y rentreront après la conversion des Gentils, ils seront guéris par le serpent d’airain. Le Seigneur a donc affermi la mer ou converti les Gentils, et détruit la puissance du démon, qu’il a donné en pâture à ses adorateurs, comme Moïse fit boire à Israël la tête du veau d’or, réduite en poussière et jetée dans l’eau. Ces peuples sont incorporés au Christ, comme les serpents des magiciens de Pharaon furent absorbés par celui de Moïse. – C’est Dieu qui fait jaillir, et l’eau de la vie éternelle, et celle qui passe avec la rapidité du torrent, c’est-à-dire la doctrine pure, qui fait taire le démon et l’orgueilleux, qui a fait le jour ou la doctrine des parfaits, et la nuit ou celle des moins parfaits, l’homme spirituel et l’homme charnel. Toutefois le Prophète implore le pardon de son peuple coupable, qui n’a point adoré les faux dieux, qui a fait pénitence à la parole de Pierre, qui comprendra enfin le salut. Humilité du chrétien. – Nécessité de la foi aux promesses de Dieu.


1. Ce psaume a pour titre : « Intelligence « d’Asaph[1] ». Or, Asaph signifie, en latin, Assemblée, en grec, Synagogue. Voyons ce qui a été compris par cette synagogue, ou plutôt comprenons d’abord ce qu’était la synagogue, afin de comprendre ensuite ce qu’elle a compris. Toute réunion, en général, s’appelle synagogue ; or, on peut appliquer ce mot de réunion aux animaux comme aux hommes ; seulement ici, il n’est pas question d’animaux, puisqu’il est parlé d’intelligence. Écoute en effet ce qu’il est dit de l’homme qui étaie en honneur, et qui a négligé de le comprendre : « L’homme était en donneur, il ne l’a point compris, il s’est comparé aux anis maux sans raison, et leur est devenu semblable[2] ». Inutile dès lors de nous arrêter ici plus longtemps, et de démontrer avec plus de soin qu’il ne s’agit point d’une assemblée d’animaux, mais bien d’une réunion d’hommes ; alors cherchons de quels hommes il est question. Assurément, il ne s’agit point de ces hommes qui, ne comprenant point l’honneur de leur condition, se sont comparés aux stupides animaux et leur sont devenus semblables, mais bien de ceux qui l’ont compris. C’est ce que marque le titre qui dit : « Intelligence d’Asaph ». Nous allons donc entendre la voix d’une assemblée intelligente. Mais comme le nom de synagogue est tellement particulier à la réunion du peuple d’Israël, que toujours, en entendant synagogue, nous entendons le peuple juif, voyons si ce n’est point lui qui parle dans notre psaume. Mais alors quels juifs, et quel peuple d’Israël ? Ce n’est point la paille, mais le froment[3], non point les rameaux brisés, mais les rameaux affermis[4]. « Tous ceux qui sont nés d’Israël, ne sont point tous israélites, mais c’est Isaac qui sera appelé votre fils, c’est-à-dire, ce ne sont point les enfants selon la chair, qui sont enfants de Dieu, mais bien les fils de la promesse, qui sont réputés de la race d’Abraham[5] ». Il y a donc de vrais enfants d’Israël, au nombre desquels se trouvait celui dont le Sauveur a dit : « Voilà un vrai israélite, sans déguisement[6] ». Toutefois ils ne sont pas israélites dans le même sens que nous, car nous sommes aussi de la race d’Abraham. Et l’Apôtre s’adressait à des Gentils quand il disait : « Vous êtes de la race d’Abraham, et les héritiers de la promesse[7] ».

  1. Ps. 73,1
  2. Id. 47,13
  3. Mt. 3,12
  4. Rom. 11,17
  5. Id. 9,6-8
  6. Jn. 1,47
  7. Gal. 3,29