Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/184

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Nous sommes donc enfants d’Israël, quand nous suivons les traces d’Abraham notre père. Mais nous entendons ici ces Israélites, à la manière de l’Apôtre : « Pour moi ». dit-il, « je suis enfant d’Israël, de la race d’Abraham, de la tribu de Benjamin[1] ». Comprenons alors ceux dont les Prophètes ont dit : « Les restes d’Israël seront sauvés[2] ». Écoutons donc la voix de ces restes d’Israël échappés au naufrage ; cette voix de la Synagogue qui avait reçu l’Ancien Testament, et qui n’attendait que des récompenses temporelles, d’où lui venaient ses allures chancelantes. Que lisons-nous en effet dans un autre psaume, que le titre assigne à Asaph ? « Combien est bon le Dieu d’Israël pour ceux qui ont le cœur droit ! Quant à mes pieds, ils ont failli trébucher ». Et comme si nous lui demandions : Pourquoi vos pieds ont-ils failli trébucher ? « Mes pas se sont presque égarés », nous dit-il, « parce que j’ai porté envie aux pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent ». Il n’attendait du Seigneur qu’un bonheur temporel, selon les promesses de l’Ancien Testament, et il voit que les impies jouissent de ce bonheur, qu’ils ont, sans adorer Dieu, ce qu’il attend pour prix de ses services ; alors ses pieds chancellent comme s’il servait Dieu en vain. « Voilà », dit-il en effet, « que les pécheurs et ceux qui sont ici-bas dans l’abondance ont obtenu les richesses. Est-ce donc en vain que j’ai justifié mon cœur[3] ? » Voyez combien ses pieds sont ébranlés, pour que son âme en vienne jusqu’à dire Que me revient-il de servir le Seigneur ? Tel qui ne le sert point est heureux ; et moi qui le sers, je suis dans l’angoisse. Enfin, quand même je serais heureux, dès lors que celui qui ne sert point Dieu l’est aussi, comment ce, bonheur viendrait-il du culte que je rends à Dieu ? Or, le psaume que je viens de citer, précède immédiatement celui que nous expliquons.
2. Sans aucun dessein de notre part, mais bien par la Providence de Dieu, nous venons d’entendre fort à propos dans l’Évangile : « Que la loi fut donnée par Moïse, que la grâce et la vérité viennent de Jésus-Christ[4] ». Car si nous remarquons bien les différences entre les deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau, nous ne trouverons ni les mêmes sacrements, ni les mêmes promesses, quoique ce soient les mêmes préceptes. Car : « Vous ne tuerez point ; vous ne commettrez point la fornication ; vous ne déroberez point ; honorez votre père et votre père ; vous ne direz point de faux témoignage ; vous ne désirerez point le bien du prochain ; vous ne désirerez point son Épouse non plus[5] » ; voilà ce qui nous est aussi ordonné. Quiconque néglige ces préceptes, s’écarte de la voie, et se rend indigne d’aller avec Dieu sur cette montagne sainte, dont le Prophète a dit : « Qui habitera, Seigneur, dans vos tabernacles, ou qui reposera sur votre sainte montagne[6] ? L’homme aux mains innocentes, et au cœur pur[7] ». En examinant ainsi les préceptes, nous les trouvons semblables, ou à peine différents dans l’Évangile, de ce qu’en ont dit les Prophètes. Ainsi donc, ce sont les mêmes préceptes, mais non les mêmes sacrements, ni les mêmes promesses. Voyons pourquoi ce sont les mêmes préceptes ; c’est qu’ils déterminent la manière dont nous devons servir Dieu. Les sacrements sont différents, car les uns donnent le salut, les autres promettent le Sauveur. Les sacrements de la Nouvelle Alliance donnent le salut, tandis que c’est le Sauveur qui est promis dans ceux de l’Ancienne Alliance ; mais dès lors que l’on possède le Sauveur promis, à quoi bon s’arrêter aux promesses ? Je dis que nous possédons ce qui était promis, non point que nous ayons déjà la vie éternelle, mais parce que le Christ prédit par les Prophètes est venu. Les sacrements sont changés, ils sont devenus plus faciles, moins nombreux, plus salutaires, plus heureux. Pourquoi les promesses ne sont-elles pas les mêmes ? C’est que la terre de Chanaan fut promise aux Juifs, terre grasse et fertile, où coulaient des ruisseaux de lait et de miel ; un royaume leur fut promis, la félicité du temps leur était promise, la fécondité dans la famille et la victoire sur leurs ennemis[8]. Tout cela n’est qu’un bonheur de la terre. Mais comment ces promesses étaient-elles d’abord nécessaires ? « C’est que ce n’est point le corps spirituel qui a été créé le premier », dit saint Paul, « mais bien le corps animal, et ensuite le spirituel. Le premier homme, est l’homme terrestre, formé de la terre ; le second est l’homme céleste, venu

  1. Rom. 11,1
  2. Id. 9,27
  3. Ps. 72,1-3.12-13
  4. Jn. 1,17
  5. Exod. 20,12-17
  6. Ps. 14,1
  7. Id. 23,4
  8. Exod. 3,8