Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DISCOURS SUR LE PSAUME 74

SERMON AU PEUPLE.

L’HUMILITÉ DE LA CONFESSION.

Le but auquel nous devons tendre, c’est la fin, ou Jésus-Christ qui doit nous juger, et accomplir ainsi ses promesses. Mais pour arriver à Dieu, il faut nous humilier, car Dieu ne s’approche du pécheur que quand celui-ci fait l’aveu de ses fautes ; et l’aveu est une humiliation volontaire, il purifie le temple où doit venir le Seigneur. Le Prophète redouble ici ses expressions, afin de confirmer sa pensée. Il a donc fait l’aveu de ses fautes, et seulement après cet aveu il invoque le Seigneur. C’est l’Église qui parle ici dans son chef et dans ses membres, quand il s’agit de la prédication ; dans son chef seulement quand il s’agit de juger les justices. Le Christ les jugera quand le temps sera venu. Le temps sera pour celui qui gouverne le temps, parce qu’il viendra dans son humanité. La terre s’est effondrée sous les péchés des hommes, le Christ en a raffermi les colonnes ou les Apôtres que la résurrection confirma dans la foi, et qui prêchèrent l’Évangile. C’est par eux que le Christ nous avertit de pratiquer la justice, dit aux coupables de ne point s’enorgueillir, mais de s’humilier par l’aveu. Gardons-nous de blasphémer le Seigneur par nos murmures, de prendre sa patience pour l’impunité. Ne murmurons pas même intérieurement, car Dieu pénètre les pensées les plus intimes de notre cœur. Nous lui échappons en nous réfugiant en lui par la confession. Il abaisse l’orgueilleux ou le Pharisien, il élève l’humble ou le Publicain qui avoue ses fautes. Dans sa coupe est le vin pur du décalogue, les Gentils le boivent et sont raffermis ; et le vin trouble les enveloppes figuratives, que boivent les Juifs, et ils s’affaissent. Il brisera les impies dont nous devons mépriser les honneurs, élèvera les justes dont l’humilité doit nous plaire.


1. Ce psaume nous offre dans l’humilité un remède contre l’enflure de l’orgueil, et donne aux petits la consolation de l’espérance. Il prémunit les orgueilleux contre la présomption, et les humbles contre la défiance envers le Seigneur. Les promesses divines, en effet, sont invariables, certaines, inébranlables ; elles sont fidèles et hors de doute, consolantes pour l’affligé. Car « toute la vie de l’homme sur la terre[1] », est-il écrit, « est une épreuve sans fin ». Nous n’avons point à choisir, ou à rechercher la prospérité, ou à fuir l’adversité seulement ; l’une et l’autre sont à craindre ; l’une qui corrompt, l’autre qui abat ; ainsi tout homme, quel que soit son état en cette vie, n’a de refuge qu’en Dieu, et de joie qu’en ses promesses. La vie, quelles qu’en soient les joies, est un leurre pour beaucoup, Dieu ne trompe jamais. Tout homme qui se convertit à lui, ne fait que changer de plaisir ; car les délices ne lui sont point retranchées, mais changées : ici-bas sans doute nos délices en Dieu ne sont point en réalité, mais l’espérance que nous en avons est tellement certaine, qu’elle seule est préférable à toutes les délices du monde, ainsi qu’il est écrit : « Mets tes délices dans le Seigneur ». Mais ne t’imagine pas avoir déjà ce que Dieu promet, car le Prophète ajoute aussitôt : « Et il t’accordera les désirs de ton cœur[2] ». Mais si les désirs de ton cœur ne sont pas rassasiés, comment te complaire dans le Seigneur, sinon parce que tu es assuré des promesses qui le font ton débiteur ? C’est donc pour affermir en nous l’espérance de notre prière, et pour que nous entrions en possession des promesses que Dieu nous a faites, que le titre du psaume porte : « Pour la fin, ne corrompez pas ». Qu’est-ce à dire : « Ne corrompez point ? Exécutez ce que vous avez promis. Mais quand ? Pour la fin na. C’est bien là qu’il te faut diriger l’œil de ton esprit, « pour la fin ». Quoi que tu puisses rencontrer sur ta route, passe outre, afin d’arriver à la fin. Que la félicité du temps fasse tressaillir les orgueilleux, qu’ils s’enflent de leurs dignités, qu’ils étincellent d’or, qu’ils scient escortés de serviteurs, environnés de clients : tout cela passe et s’évanouit comme l’ombre. Quand viendra cette fin qui fait la joie de tous ceux qui espèrent dans le Seigneur, il n’y aura pour ces hommes qu’une tristesse sans fin. Quand les humbles recevront ce qui fait la risée des méchants, l’enflure des superbes ne sera plus qu’un deuil. Alors s’accomplira cette parole de la sagesse ils diront à la vue de cette gloire des saints, jadis si patients quand on les humiliait, et si humbles quand on les élevait en gloire, ils diront donc : « Voilà ces hommes que nous avons tournés en dérision ». Et ils ajouteront : «

  1. Job. 7,1
  2. Ps. 36,4