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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/198

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 De quoi nous a servi notre orgueil, et que nous revient-il du faste de nos richesses ? Tout s’est évanoui comme une ombre[1] ! » Ils ont mis leur espoir dans des biens corruptibles, et cet espoir s’évapore ; le nôtre, au contraire, se réalisera. Car afin de laisser à la promesse de Dieu son intégrité, sa stabilité, sa certitude, nous avons dit dans notre cœur et avec confiance : « Pour la fin, ne corrompez point. » Ne craignez donc point qu’un potentat vienne altérer les promesses de Dieu. Lui-même ne les altère point, parce qu’il est véridique ; et nul n’est plus puissant que lui pour faire avorter ses promesses : la promesse de Dieu est donc certaine, et déjà nous pouvons chanter ce premier verset du Psaume.
2. « Nous nous confesserons, Seigneur, nous « nous confesserons, et nous invoquerons votre nom[2] ». Ne l’invoque pas avant d’avouer tes fautes, fais d’abord cet aveu, tu invoqueras ensuite. Invoquer Dieu, c’est l’appeler en toi : quel autre sens peut avoir « invoquer » ? Si donc tu l’invoques, ou si tu l’appelles en toi, chez qui descend-il ? Pas chez l’orgueilleux. Il est élevé, et nul ne l’atteint en s’élevant. Pour atteindre toute hauteur, il faut nous élever ; et si nous ne pouvons y arriver, nous avons recours aux machines ou aux échelles, afin de parvenir au faîte : Dieu, au contraire, est élevé, et il n’y a que les humbles pour l’atteindre. Il est écrit : « Le Seigneur est près de ceux qui ont un cœur contrit[3] ». Cette contrition du cœur, c’est la piété, l’humilité. L’homme contrit se fâche contre lui-même. Qu’il soit en guerre avec lui-même, afin d’être en paix avec Dieu ; qu’il soit son propre juge, afin d’avoir Dieu pour défenseur. Dieu vient donc, si nous l’invoquons ; mais chez qui vient-il ? Jamais chez l’orgueilleux. Écoutez un autre témoignage : « Du haut de son trône, Dieu regarde les humbles, il ne voit que de loin les orgueilleux[4]. Ainsi le Seigneur jette les yeux sur les humbles », mais non de loin, tandis que c’est de loin qu’il voit les orgueilleux. Or, après avoir dit que Dieu voit les humbles, de peur que les orgueilleux ne se rassurent dans l’impunité, comme si leur orgueil devait échapper à celui qui habite au plus haut des cieux, le Prophète les effraie en disant : Il vous voit, il vous connaît, mais de loin. Il fait les délices de ceux dont il s’approche ; pour vous, superbes, dit le Prophète, hommes altiers, vous ne jouirez pas de l’impunité, car il vous voit ; mais vous n’aurez point le bonheur, il ne vous connaît que de loin. Voyez ce que vous avez à faire : s’il vous connaît, il ne vous pardonnera point. Vous épargner, vaudrait mieux pour vous que vous connaître. Qu’est-ce que vous épargner, en latin ignoscere, sinon ne pas vous connaître, non noscere ? Que signifie ne pas vous connaître ? n’avoir point l’esprit contre vous, non animadvertere, car l’animadversion se dit d’un homme qui châtie. Écoutez le Prophète, qui demande à Dieu de l’épargner : « Détournez votre face de mes péchés[5] ». Que feras-tu donc, si le Seigneur détourne de toi son visage ? Voilà qui est fâcheux, il est à craindre qu’il ne t’abandonne. Mais que Dieu ne détourne point son visage, c’est l’animadversion. Dieu nous comprend, il a le pouvoir et de détourner sa face du pécheur, et de ne point la détourner de l’homme pénitent. Aussi est-il dit quelque part : « Détournez votre face de mes péchés » ; et ailleurs : « Ne détournez point de moi votre visage[6] ». Ici, détournez-la de mes péchés ; là, ne la détournez point de moi : confesse donc ton péché, et invoque le Seigneur. C’est par l’aveu que tu purifies le temple où viendra le Seigneur, sur ton invocation. Qu’il détourne sa face de ton péché, mais non de toi : qu’il détourne sa face de ce que tu as fait, mais non de ce qu’il a fait lui-même. En toi il a fait l’homme, et tu as fait tes péchés. Confesse-les donc, et invoque le Seigneur ; dis-lui : « Nous vous confesserons, Seigneur, nous vous confesserons nos fautes ».
3. Cette répétition devient ici une confirmation ; ainsi ta confession ne te cause aucun repentir. Celui qui reçoit cet aveu n’est point un Dieu cruel, ni vindicatif, ni insulteur : confesse-toi sans crainte. Écoute celte autre parole encourageante du psaume : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu’il est bon[7] ». Qu’est-ce à dire, « parce qu’il est bon ? » Pourquoi redouter l’aveu ? Le Seigneur est bon, il pardonne à celui qui avoue . Crains d’avouer devant un homme qui est le juge, de peur qu’il ne te châtie, mais non devant Dieu ; l’aveu te le rendra propice, et

  1. Sag. 5,3.8-9
  2. Ps. 74,2
  3. Id. 33,19
  4. Id. 137,6
  5. Ps. 50,11
  6. Id. 26,9
  7. Id. 105,1 ; 105,1