Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/20

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à leur endroit : voyez avec quelle ardeur il court vers eux dans l’excès de sa soif. Altéré du désir de leur salut, il se tourne vers eux et leur dit : « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité ». Pour moi, je mets la mienne en Dieu. « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité[1] ». Vous tous qui ne voulez ni vous approcher, ni marcher plus vite que les méchants, prenez garde ; « ne mettez point votre espérance dans l’iniquité »[2]. Je vous ai devancés : j’ai placé mon espérance dans le Seigneur : « l’iniquité se trouve-t-elle en lui[3] ? » « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité ». Faisons ceci ; agissons encore de telle autre manière ; pensons aussi à cela : tendons telle embûche : voilà bien le langage de ceux qui s’accordent dans la vanité. Pour toi, tu es altéré ; par ceux qui ont déjà servi à étancher ta soif, tu as appris à connaître ceux qui nourrissent contre toi de pareilles pensées. « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité ». Elle est vaine, ce n’est rien ; la puissance n’appartient qu’à la justice. On peut, pour quelque temps, obscurcir la vérité : jamais on ne sera à même d’en triompher complètement. L’iniquité peut momentanément fleurir, mais son éclat est de courte durée. « Ne mettez point votre espérance dans « l’iniquité, ne désirez point commettre la rapine ». Tu n’es pas riche, et tu veux t’emparer du bien d’autrui ? Que gagnes-tu ? Que perds-tu ? O ruineux bénéfice ! Tu gagnes de l’argent, et tu perds la justice. « Ne désirez point commettre la rapine ». – Je suis pauvre, je n’ai rien. Voilà pourquoi tu veux te rendre voleur ? Tu vois ce que tu dérobes, et tu ne vois pas de qui tu deviens la proie ? Ignores-tu donc que l’ennemi rôde autour de toi comme un lion rugissant, et qu’il cherche à te dévorer[4] ? Le bien d’autrui que tu veux t’approprier, est dans une souricière ; tu le prends et tu es pris. O pauvre, ne désire donc point commettre la rapine ; que tes désirs se portent vers Dieu, car de lui nous viennent les choses nécessaires à la vie4. Il t’a créé, il te nourrira. Le voleur reçoit de lui sa nourriture, et il laisserait mourir de faim un innocent ? Il pourvoira à la subsistance, car il fait lever le soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber la pluie sur les justes et les pécheurs[5]. Si sa main bienfaisante s’ouvre pour ceux qui doivent être réprouvés, se fermera-t-elle pour les futurs élus ? Ne désirez donc point commettre la rapine. Ceci soit dit au pauvre, qui peut-être ne devient voleur que sous l’influence de la nécessité. Voici maintenant pour le riche. Je n’éprouve, dit-il, aucun besoin de manquer à la probité : rien ne me manque ; je me trouve dans l’abondance. O riche, prête aussi l’oreille à la voix du Prophète : « Si vous possédez d’abondantes richesses, n’y attachez pas votre cœur ». L’un est riche, l’autre n’a rien ; que celui-ci ne cherche pas à s’approprier les biens qui ne sont pas à lui ; que celui-là ne s’affectionne pas à ce qu’il possède. « Si vous avez d’abondantes richesses, n’y attachez pas votre cœur ». C’est-à-dire, si elles surabondent chez toi, si elles semblent y couler comme de source, puissent-elles ne point t’inspirer une folle confiance en toi-même ! Puisses-tu ne pas y accoler ton cœur ! « Si tu as d’abondantes « richesses », prends-y garde : tu n’as pas moins à craindre que le pauvre. Ne vois-tu pas, en effet, que si tu leur donnes tes affections, tu passeras comme elles ? Tu es riche, tu ne désires plus rien, parce que ta fortune est grande. Écoute l’Apôtre parlant à Timothée : « Recommande aux riches de ce monde de ne point être orgueilleux » ; et, pour expliquer ces paroles du Psalmiste : « N’y attachez pas votre cœur », il ajoute : « Et de ne pas mettre leur confiance en des biens incertains[6]. Si vous avez d’abondantes richesses, n’y attachez » donc « pas votre cœur » : n’y mettez pas votre confiance, n’en concevez nul orgueil ; qu’elles ne soient point le mobile de vos espérances, car on dirait de vous : « Voilà un homme qui n’a pas attendu de Dieu son secours, mais qui a placé sa confiance dans ses grandes richesses, et mis sa force dans la vanité[7] ». O vous, enfants des hommes, qui êtes vains et menteurs, ne commettez point de rapines, et, sites richesses abondent chez vous, n’y attachez pas votre cœur ; n’aimez donc plus la va imité, ne cherchez plus le mensonge ! Heureux l’homme qui a mis son espérance dans le Seigneur Dieu, et qui ne porte son attention ni sur la vanité, ni sur les trompeuses folies du monde[8] ! Vous aspirez à devenir trompeurs, vous voulez commettre une fraude ? De quoi vous servez-vous ? De fausses balances. Car, dit le Psalmiste, « les enfants

  1. Ps. 61,11
  2. Rom. 9,14
  3. 1 Pi. 5,8
  4. 1 Tim. 6,17
  5. Mt. 5,45
  6. 1 Tim. 6,17
  7. Ps. 51,9
  8. Ps. 39,5