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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/201

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Apôtres, disait : « Ceux qui paraissaient être les colonnes[1] ». Mais que seraient ces colonnes, si Dieu ne les eût affermies ? Car elles furent ébranlées par un certain mouvement de la terre, et le désespoir s’empara de tous les Apôtres, à la passion du Sauveur. Ces colonnes donc ébranlées par la passion du Sauveur, se raffermirent à sa résurrection. Le fondement de l’édifice cria par ces colonnes, et dans toutes ces colonnes, ce fut l’architecte qui parla. L’apôtre saint Paul était une de ces colonnes, quand il disait : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance du Christ qui parle en moi[2] ? » C’est donc « moi », dit le Sauveur, « qui en ai raffermi les colonnes » : je suis ressuscité, j’ai montré que la mort n’était point à craindre, j’ai prouvé à ceux qui la craignaient, que le corps même ne périt t oint par la mort. Mes blessures les effrayaient, mes cicatrices les ont rassurés. Le Christ pouvait ressusciter sans porter aucune cicatrice : était-ce trop en effet pour sa puissance, de rétablir son corps dans une intégrité si parfaite, qu’il ne parût aucune trace de ses anciennes plaies ? Il avait sans doute le pouvoir de guérir ses plaies sans cicatrice, mais il voulut à ces marques rétablir ces colonnes chancelantes.
7. Nous avons entendu, mes frères, qu’il ne cesse pas un jour de parler ; écoutons ce qu’il nous crie par ces colonnes. Il est temps d’écouter et de trembler à cette parole : « Quand le temps sera venu, je jugerai les justices[3] ». Le temps de juger les justices viendra pour lui ; pour vous est venu le temps de pratiquer la justice. S’il se taisait, vous ne pourriez faire aucun bien ; mais il crie par ses colonnes raffermies. Que crie-t-il ? « J’ai dit aux injustes : Ne commettez pas l’injustice ». Il crie donc, mes frères, et vous criez aussi certainement ; vous prenez plaisir d’entendre ses cris. C’est par lui que je vous en conjure, laissez-vous effrayer par cette voix ; car j’ai bien moins lieu de me réjouir de vos applaudissements, que vous d’être effrayés de ces paroles. « J’ai dit aux injustes : Ne commettez point l’injustice ». Mais ils l’avaient déjà commise, et ils sont coupables : « la terre s’est effondrée avec ceux qui l’habitent », ils sont touchés de repentir, ceux qui ont mis à mort le Sauveur, ils ont reconnu leur péché, ils ont appris des Apôtres ne point désespérer leur pardon de celui qui prêche[4]. Il était médecin Celui qui était venu, aussi n’était-il point venu pour ceux qui avaient la santé. « Ce ne sont pas », avait-il dit, « ceux qui se portent bien qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis point venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence[5] ». Donc « j’ai dit aux injustes : Ne commettez point l’injustice », et ils n’ont pas entendu. Voilà ce qui nous fut dit en effet autrefois : nous n’avons pas entendu, nous sommes tombés, nous sommes devenus mortels, engendrés dans la mort : « la terre s’est effondrée ». Afin de se relever, qu’ils écoutent du moins le médecin qui est venu près du malade : en santé ils ont refusé de l’écouter pour éviter la chute, maintenant qu’ils sont couchés à terre, qu’ils l’écoutent pour se relever. « J’ai dit aux injustes : Ne commettez pas l’injustice ». Que faire ? nous l’avons commise. « Et vous, pécheurs, ne levez point votre tête orgueilleuse ». Qu’est-ce à dire ? Si vous avez commis l’iniquité par convoitise, ne la défendez point par orgueil ; accusez-vous si vous l’avez commise. C’est lever la tête, qu’être coupable sans l’avouer. « J’ai dit aux injustes : Ne commettez point l’injustice ; et aux coupables : Ne levez point la tête ». Le Christ élèvera sa force au milieu de vous, si vous n’élevez point la vôtre. Votre force vient de l’iniquité, la force du Christ vient de sa majesté.
8. « Ne vous élevez donc pas ; ne proférez point contre Dieu l’iniquité[6] » Écoutez ces paroles d’un grand nombre, que chacun de vous écoute, et soit touché de repentir. Que disent ordinairement les hommes ? Est-il vrai que Dieu jugera les actions des hommes ? Est-ce là l’occupation de Dieu ? Aurait-il souci de ce que l’on fait sur la terre ? Tant d’hommes injustes sont dans la prospérité, tant d’innocents dans la douleur ! Or, comme Dieu voulait t’avertir et te corriger, et qu’il lui est arrivé je ne sais quoi de fâcheux, qui lui découvre sa conscience, et lui fait comprendre qu’il est juste pour lui de souffrir à cause de ses péchés : d’où lui viennent ses arguments contre Dieu ? Comme il ne peut dire : Je suis juste, que pensez-vous qu’il va dire ? Il y en a de plus pécheurs que moi qui ne souffrent pas ainsi. Voilà l’iniquité des murmures de l’homme contre Dieu. Comprenez-en vous-mêmes l’injustice :

  1. Gal. 2,9
  2. 2 Cor. 13,3
  3. Ps. 74,5
  4. Act. 2,37-38
  5. Mt. 9,12-13
  6. Ps. 74,6