Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à la corbeille ». Par corbeille il entend ici l’œuvre des esclaves ; ainsi nettoyer, porter le fumier ou la terre, sont des œuvres que font des esclaves au moyen d’une corbeille : or, tout homme qui commet le péché, devient esclave du péché ; et si le Fils de Dieu vient vous délivrer, vous serez vraiment libres[1]. Les emplois abjects du monde sont bien désignés par des corbeilles ; mais ces corbeilles, Dieu les remplit de morceaux de pain[2] : il remplit de morceaux de pain douze corbeilles, parce qu’il a choisi ce qu’il y a de plus vil selon le monde, pour confondre ce qu’il y a de plus élevé[3]. Mais quand Joseph servait à la corbeille, il y portait la terre, parce qu’il faisait des briques. « Ses mains ont servi à la corbeille ».
10. « Dans la tribulation, tu m’as invoqué, et je t’ai délivré[4] ». Toute conscience chrétienne doit se reconnaître ici ; et si elle a saintement traversé la mer Rouge[5], si dans sa fidélité à croire et à pratiquer, elle a compris une langue jusqu’alors inconnue, qu’elle sache que Dieu l’a exaucée dans la tribulation. Car c’est une grande tribulation que d’être accablée sous le fardeau du péché. Quelle joie pour une conscience qui en est délivrée ! Te voilà baptisé, ta conscience, accablée hier, est soulagée aujourd’hui. Dieu t’a exaucé au jour de la tribulation, mais n’oublie pas la tribulation qui t’accablait. Avant d’approcher des eaux sacrées, quelles n’étaient point tes inquiétudes ? Quels n’étaient point tes jeûnes ? Et dans ton cœur, quelle amertume ! combien de prières saintes et ferventes ? Tes ennemis sont tués, tes péchés détruits. « Tu m’as invoqué dans la tribulation, et je t’ai délivré ».
11. « Je t’ai exaucé dans le secret de la tempête », non de l’ouragan des mers, mais de la tempête du cœur. « Je t’ai exaucé dans le secret de la tempête ; je t’ai mis à l’épreuve aux eaux de la contradiction[6] ». C’est là une vérité, mes frères : celui qui a été exaucé dans le secret de la tempête, doit être éprouvé aux eaux de la contradiction. Lorsqu’il a embrassé la foi, qu’il a été baptisé, qu’il est entré dans les voies de Dieu, qu’il a fait couler comme une huile pure dans le vase préparé, et qu’il s’est séparé de cette lie qui coule vulgairement dans les rues, il trouve beaucoup de persécuteurs, beaucoup d’insolents qui le méprisent, le dissuadent, le menacent dès qu’ils le peuvent, qui t’effraient, et vont jusqu’à l’abattre. C’est là l’eau de la contradiction. Je ne doute pas qu’il n’y ait ici de ces menées, je me persuade qu’il est ici des fidèles, que leurs amis voulaient entraîner au cirque, à je ne sais quelle niaiserie dans cette solennité que nous célébrons ceux-ci peut-être les ont au contraire amenés à l’Église. Mais soit qu’ils les aient amenés ici, soit qu’ils aient refusé de les suivre au cirque, ils ont été mis à l’épreuve aux eaux de la contradiction. Ne rougis point d’annoncer ce que tu sais, et de défendre la foi contre les blasphémateurs. Si en effet Dieu t’exauce dans le secret de là tempête, c’est que le cœur croit pour arriver à la justice ; si tu es éprouvé aux eaux de la contradiction, c’est qu’il faut confesser de bouche pour arriver au salut[7]. À quoi est maintenant réduite cette eau de la contradiction ? Elle est presque desséchée. Nos pères en ont ressenti la violence quand les nations se soulevaient contre la parole de Dieu, contre les mystères du Christ. L’eau se troublait alors, car l’Apocalypse nous montre que par les eaux il faut souvent entendre les peuples, quant à la vue des grandes eaux, et à cette question : Qu’est-ce que cela ? on répond : « Ce sont les peuples[8] ». Nos pères ont donc passé par les eaux de la contradiction quand les nations frémirent, quand les peuples formèrent de vains complots, quand les rois de la terre se levèrent, et que les princes se liguèrent contre le Seigneur et contre son Christ[9]. Ce frémissement des peuples, c’était le lion rugissant, barrant le passage à Samson qui allait chercher une Épouse chez les étrangers, c’est-à-dire au Christ qui descendait chez les Gentils pour s’unir à l’Église, Mais que fit le Seigneur ? Il saisit ce lion redoutable, puis le broya, le mit en pièces : ce ne fut dans ses mains qu’un jeune chevreau. Qu’était-ce que toute la rage de ce peuple, sinon la langueur du péché ? Détruisez cette cruauté, et les rois ne frémissent plus contre le Christ, les gentils ne l’attaquent plus avec cette colère : nous trouvons au contraire chez les nations des lois favorables à l’Église, c’est le rayon de miel dans la gueule du lion[10]. Pourquoi craindrais-je cette eau de la contradiction qui est presque desséchée ? Elle se tairait presque, si le marc

  1. Jn. 8,34-36
  2. Mt. 14,20
  3. 1 Cor. 1,27
  4. Ps. 62,8
  5. Id.
  6. Exod. 14,22
  7. Rom. 10,10
  8. Apoc. 17,15
  9. Ps. 2,1-2
  10. Jug. 14,5-8