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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/278

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hôtes, mais vous êtes de la cité des saints, et de la maison de Dieu ; établis sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, et dont Jésus-Christ lui-même est la principale pierre de l’angle. C’est sur lui que tout l’édifice construit s’élève en un temple consacré au Seigneur[1] ». C’est en ce sens que nous pouvons appeler fondements de la terre ceux dont les hommes envient sur la terre la puissance et le bonheur, et dont l’autorité les porte à désirer ces mêmes biens terrestres, et en les acquérant ils paraissent élever terre sur terre, comme l’édifice supérieur est ciel sur ciel. Aussi est-il dit au pécheur : « Tu es terre, et tu retourneras en terre[2] » ; et encore : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, quand leur voix se fait entendre dans tout le monde, et que leurs paroles gagnent les confins de la terre[3] ».
6. Or, le règne de la félicité ici-bas n’est qu’orgueil ; cet orgueil qu’est venu combattre l’humilité du Christ, en faisant ces reproches à ceux qu’il veut rendre par l’humilité enfants du Très-Haut : « J’ai dit : Vous êtes des Dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut. Et toutefois vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme un des princes[4] ». Soit qu’en disant : « Vous êtes des Dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut » ; il s’adresse à ceux qu’il a prédestinés à la vie éternelle ; et qu’il dise aux autres : « Pour vous, vous mourrez comme u des hommes, vous tomberez comme un des princes », faisant ainsi un discernement entre les dieux eux-mêmes ; soit qu’il leur adresse à tous un même reproche, afin de discerner ensuite ceux qui se corrigeront par l’obéissance ; « Pour moi », dirait-il, « je l’ai dit : Vous êtes des Dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut » : c’est-à-dire, je vous ai promis à tous le bonheur céleste : « Mais vous , à cause de la faiblesse de la chair », vous mourrez comme des hommes », et l’orgueil de votre cœur « vous fera non plus vous élever, mais bien tomber comme un des princes », c’est-à-dire comme le démon. Comme s’il disait : Telle est la brièveté de votre vie, que vous mourez avec la même rapidité que les autres hommes, et pourtant cela ne vous corrige point mais comme le diable, dont les jours sont nombreux en ce siècle, puisqu’il n’est point revêtu d’une chair mortelle, vous vous élevez de manière à tomber. C’est par l’orgueil du démon que les princes des Juifs se sont aveuglés jusqu’à être perfidement jaloux de la gloire du Christ ; tel est le vice qui a porté et qui porte encore à mépriser un Christ qui s’abaisse jusqu’à la mort de la croix, des hommes qui aiment l’éclat du monde.
7. C’est donc pour guérir cette plaie que le Prophète a dit en son propre nom : « Levez-vous, ô Dieu, et jugez la terre[5] ». La terre s’est enflée d’orgueil quand on vous a crucifié : levez-vous d’entre les morts, et jugez la terre. « Car vous exterminerez dans toutes les nations » ; et que devez-vous exterminer, sinon la terre ? c’est-à-dire ceux qui ont des goûts terrestres, soit que vous détruisiez, dans les fidèles, tout orgueil et toute affection pour la terre, soit que vous sépariez d’eux les fidèles, comme une terre qu’il faut oublier et fouler aux pieds. C’est ainsi que Dieu juge la terre, et la détruit parmi les peuples, au moyen de ses membres dont la conversation est dans le ciel. N’oublions pas de le remarquer, dans plusieurs exemplaires : « Parce que toutes les nations seront votre héritage », ce qui peut très bien s’adapter avec notre sens, et rien n’empêche d’accepter l’un et l’autre. Car on entre dans son héritage par la charité que Dieu cultive, dans sa miséricorde, par sa grâce et ses préceptes, afin de détruire toute affection mondaine.

  1. Eph. 2,19-22
  2. Gen. 3,19
  3. Ps. 18,2-5
  4. Id. 81,6-7
  5. Ps. 81,8