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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/327

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DISCOURS SUR LE PSAUME 87[1]

LA PASSION DU CHRIST DANS L’ÉGLISE.

Ce chœur qui doit répondre, c’est l’Église qui chante le Christ, et qui doit, dans ses membres, passer par les mêmes douleurs que le Christ. Car le psaume est pour les fils de Coré, ou du Calvaire. Le Christ a donc prié en son humanité, il a souffert, parce qu’il a voulu personnifier en lui tout son corps qui est l’Église. Il a été libre dans la mort, parce qu’il donnait lui-même sa vie, et qu’il l’a reprise le troisième jour. Il était dans les ténèbres comme ceux qu’il était venu en délivrer. La colère de Dieu paraissait appesantie sur lui, elle n’a fait que passer, et les prophéties se sont accomplies ; ses proches ne comprenant pas ses douleurs, l’ont méconnu, se sont séparés de lui ; ses yeux ou les Apôtres privés de sa lumière, ont langui. Alors il prie du haut de la croix, il s prié tout le jour par ses bonnes œuvres, qui n’ont point touché des cœurs sans vie, incapables de comprendre les miracles, de ressusciter à la voix des médecins. Encore céderont-ils à la grâce ? Car c’est Dieu qui ressuscite par la grâce, qui appelle par les Apôtres, qui nous amène à la confession, véritable signe de conversion. Qui dira la vérité à ces âmes sans vie, et qui ont perdu la lumière ? De là remercions Dieu qui nous ressuscite comme il ressuscite les morts ; de là aussi cette prière vive qui doit s’élever à Dieu, que Dieu n’exauce pas aussitôt, afin d’en attiser l’ardeur ; prière qui est celle de l’Église exilée, et qui doit durer jusqu’à ce que tous ses membres soient dans ta patrie.


1. Le titre du psaume quatre-vingt-septième a quelque chose de nouveau, qui embarrasse l’interprète. Dans aucun autre psaume, nous ne trouvons ce que nous rencontrons ici : « Pour Melech, à répondre ». Nous avons pu voir ailleurs ce que signifie et psaume du cantique, et cantique du psaume ; souvent encore nous avons expliqué ces expressions : « Aux fils de Coré », que nous rencontrons fréquemment, ainsi que « pour la fin » ; mais ces expressions : « Pour Melech, à répondre », c’est là un titre nouveau. « Pour Melech », peut se traduire en latin, pour le chœur, car le mot hébreu « Melech », signifie chœur. Or, qu’est-ce à dire pour le chœur, à répondre ? sinon que le chœur doit unir ses accords pour répondre à celui qui chante ? D’autres psaumes, nous devons le croire, ont été chantés de la sorte, bien qu’ils aient eu d’autres titres ; c’était sans doute un moyen de varier, et d’éviter l’ennui. Car celui-ci n’est pas le seul auquel tout un chœur ait répondu, puisqu’il n’est pas le seul qui prophétise la passion du Seigneur. S’il y a une autre raison qui motive la variété des titres, et par laquelle on puisse nous montrer que dans cette variété, cloaque titre est tellement propre à chacun des psaumes, qu’il ne pourrait servir à un autre ; j’avoue pour moi, qu’après bien des efforts, je n’ai pu la découvrir ; et ce que j’ai vu de ce qu’ont écrit ce qui en ont parlé avant moi, n’a pu répondre ou à mon attente, ou à ma lenteur. Je dirai donc ce qui me paraît de mystérieux dans cette expression : Pour le chœur à répondre, c’est-à-dire en quoi le chœur doit répondre au chantre. Il y a ici une prophétie de la passion du Seigneur. Or, l’apôtre saint Pierre a dit : « Le Christ a souffert pour nous, afin que nous suivions ses traces[2] » ; c’est là répondre. L’apôtre saint Jean dit à son tour : « De même que le Christ a donné sa vie pour nous, de même nous devons donner notre vie pour nos frères[3] ». Voilà répondre encore. Or, le chœur désigne l’accord qui est le fruit de la charité. Quiconque, dès lors, pour imiter la passion du Sauveur, livrerait son corps aux flammes, sans avoir la charité, ne répondrait point en chœur, et cela ne lui servirait de rien[4]. Ainsi donc, de même que dans l’art musical, il y a, comme les savants ont pu l’exprimer en latin, le praecentor et le succentor, le premier pour donner au chant l’intonation, le second pour chanter ensuite ; de même dans ce cantique de la passion, après le Christ qui ouvre la marche, vient le chœur des martyrs, qui le suit jusqu’à la fin ou l’acquisition des couronnes éternelles. Ce chant est en effet « pour les fils de Coré », or

  1. Probablement après l’exposition du Psaume 41 dont il est question au n°7, et peut-être du Psaume 67.
  2. 1 Pi. 2,21
  3. Jn. 3,16
  4. 1 Cor. 13,3