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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/337

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t’ai établi pour détruire et pour édifier[1] ». Évidemment ceux qui se prosternaient devant les idoles, qui adoraient la pierre, n’eussent jamais été édifiés dans le Christ, s’ils n’eussent essuyé la ruine de leurs antiques erreurs. De même s’il n’y en avait que Dieu détruisît pour ne point les reconstruire, il ne serait point dit : « Vous les détruirez et ne les rebâtirez point[2] ». C’est donc pour ceux que Dieu détruit afin de les édifier ensuite, c’est pour les empêcher de croire que l’édifice dans lequel ils sont entrés n’est que pour un temps, comme l’a été la ruine par laquelle ils ont passé, que le Prophète s’est tenu ferme dans la vérité de Dieu à laquelle il prête sa bouche, par l’amour de cette même vérité. Je prêcherai, dit-il, je parlerai, « parce que vous avez parlé ». L’homme parle avec assurance, quand il parle après Dieu. Si mes paroles étaient flottantes, la vôtre les affermirait, « car vous avez parlé ». Qu’avez-vous dit ? « Que la miséricorde sera établie éternellement, que la vérité sera préparée dans les cieux ». Il avait dit plus haut : « Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur ; j’annoncerai par ma bouche votre vérité de génération en génération », joignant ainsi la miséricorde à la vérité ; il les joint ici une seconde fois : « Car vous l’avez dit : votre miséricorde sera édifiée pour l’éternité, votre vérité sera affermie dans le ciel ». Ici encore il répète la miséricorde et la vérité : Toutes les voies du Seigneur ne sont que miséricorde et vérité[3]. Dieu ne montrerait point sa vérité en accomplissant ses promesses, si d’abord il ne nous avait remis nos péchés dans sa miséricorde. Mais comme d’une part il avait fait par ses Prophètes beaucoup de promesses au peuple d’Israël, issu d’Abraham selon la chair, et que ce peuple s’est multiplié afin que s’accomplissent en lui les promesses de Dieu ; comme d’autre part, Dieu ne fermait point les sources de sa bonté aux nations étrangères qu’il avait placées sous la garde des anges, quand il choisissait Israël pour son héritage, voilà que l’Apôtre distingue la divine miséricorde pour les uns, et la divine vérité pour les autres. Car il nous dit que « le Christ a été ministre pour le peuple circoncis, afin de vérifier la parole de Dieu et de confirmer les promesses faites à nos pères[4] ». Voilà bien le Dieu qui n’a point trompé, voilà qu’il n’a point rejeté le peuple qu’il avait élu dans sa prescience. Quand il s’agit en effet de la chute des Juifs, de peur que l’on ne crût que Dieu les avait réprouvés, de telle sorte qu’après cette ventilation, il ne mît aucun bon grain dans sou grenier, l’Apôtre s’écrie : « Dieu n’a point réprouvé le peuple qu’il a élu dans sa prescience, car moi-même je suis israélite[5] ». S’il n’y a que des épines dans tout ce peuple, comment serai-je un bon grain, moi qui vous parle ? Donc la vérité de Dieu s’est accomplie dans ceux d’Israël qui ont embrassé la foi, et voilà qu’une muraille est venue du côté de la circoncision pour s’appuyer sur la pierre angulaire[6]. Mais cette pierre ne formerait point un angle, si une autre muraille ne venait de la gentilité. La première muraille appartient donc proprement à la vérité, et la seconde à la miséricorde. « Je dis en effet », poursuit l’Apôtre, « que le Christ a été le ministre de la circoncision pour vérifier la parole de Dieu, et confirmer les promesses faites à nos pères ; et que les Gentils doivent glorifier Dieu de sa miséricorde[7] ». Il est donc vrai que « votre vérité est établie dans les cieux ». Car tous ces Israélites appelés à l’apostolat sont devenus des cieux qui racontent la gloire de Dieu. C’est d’eux que le Prophète a dit : « Les cieux annoncent la gloire de Dieu, et le firmament l’œuvre de ses mains[8] ». Et pour vous montrer clairement que l’Apôtre parle de ces cieux, le Prophète continue : « Il n’y a ni langage ni contrée qui n’ait entendu leurs voix[9] ». Cherchez quelles voix, vous ne trouverez plus haut que les cieux. Si donc c’est la voix des Apôtres que l’on a entendue en toutes les langues, c’est d’eux encore qu’il est dit que « leur bruit s’est répandu dans toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux confins du monde[10] » ; et en effet, bien que Dieu les ait retirés de cette vie avant que l’Église fût répandue dans tout l’univers, leurs voix sont néanmoins parvenues jusqu’aux confins de la terre : il est juste de voir accomplir en eux cette prédiction : « Votre vérité sera établie dans les cieux ».
4. « J’ai fait une alliance avec mes élus[11] ». Tout ceci est votre parole, Seigneur, et vous le comprenez, mes frères, vous avez dit à Dieu : « J’ai préparé une alliance avec mes

  1. Jer. 1,10
  2. Ps. 27,5
  3. Id. 24,10
  4. Rom. 15,20
  5. Rom. 11,1-2
  6. Eph. 2,20
  7. Rom. 15,8-9
  8. Ps. 2,1
  9. Id. 4
  10. Id. 5
  11. Id. 88,4