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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/432

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faire aucune miséricorde avant son avènement ? Mais ceux qui auront voulu faire miséricorde, seront jugés avec miséricorde. Il sera dit à ceux de droite : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde[1] ». Et le Sauveur énumère les œuvres de miséricorde : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire[2] » ; et le reste. Que doit-il reprocher à ceux de gauche ? De n’avoir point voulu faire miséricorde. Et où vont-ils ? « Allez au feu éternel[3] ». Cette parole sévère produira un immense gémissement. Mais que nous dit un autre psaume ? « La mémoire du juste ne périra point, et il ne craindra point la parole terrible[4] ». Quelle est cette parole terrible ? « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges[5] ». Or, celui qui se réjouira d’entendre la parole de bénédiction, n’aura pas à craindre la parole terrible. Comment se réjouiront-ils de la parole de bénédiction ? « Venez, bénis de mon Père ». Quelle parole ne craindront-ils point ? « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges ». Voilà la justice, voilà la vérité. « Il jugera l’univers entier dans la justice, et les peuples dans la vérité ». Parce que tu es injuste, le juge ne sera-t-il pas juste ? Parce que tu es menteur, la vérité cessera-t-elle d’être vraie ? Si tu veux obtenir miséricorde, sois miséricordieux avant son avènement ; pardonne si l’on t’a offensé, donne de ton abondance. Et de qui viennent les dons, sinon de lui ? Donner ton bien serait une largesse ; donner du sien est une restitution. « Qu’as-tu donc que tu n’aies pas reçu[6] ? » Ainsi voilà les hosties agréables à Dieu, la miséricorde, l’humilité, la confession, la paix, la charité. Voilà ce que nous apportons, afin d’attendre en sécurité l’avènement du souverain juge, « qui jugera l’univers entier dans l’équité, et les peuples dans sa vérité ».


DISCOURS SUR LE PSAUME 96

SERMON AU PEUPLE.

LES SAINTES JOIES DE L’ÉGLISE.

Ce que les saints personnages ont désiré voir, c’est le salut de Dieu chez les nations : ce salut est Jésus-Christ, auquel nous devons rapporter tout notre psaume, si nous voulons le comprendre. Il a pour titre : « Pour David », ou pour le Christ fils de David. « Quand sa terre fut rétablie », c’est-à-dire quand les Juifs égarés jusqu’à mettre à mort le Christ, se convertirent en grand nombre à la Pentecôte. De là les Apôtres passèrent chez les Gentils, et le Christ fut la pierre angulaire unissant la circoncision à la gentilité. Ainsi sa terre fut établie ; ce que l’on peut encore entendre de la résurrection. Le Seigneur a donc régné par sa parole prêchée sur les continents et dans les îles ; ces îles que battent les flots sans les submerger peuvent aussi désigner les Églises persécutées et non détruites. Ces ténèbres d’une part, la justice et l’équité d’autre part, caractérisent ceux qui entendent la prédication, nuageuse pour les orgueilleux, pleine de lumière pour les humbles qui forment son trône. Le feu qui marche devant le Seigneur, n’est point le feu de l’enfer, mais c’est le feu de la persécution qui a consumé les persécuteurs mêmes, ou le feu de la charité qui a embrasé le monde, et dévoré les ennemis de Dieu, en jetant les incrédules dans la réprobation, et – en ramenant à lui les hommes de bonne foi. Les Apôtres fuient comme des nuées d’où jaillirent ces éclairs de miracles et de prédications qui émurent la terre, qui fondirent les montagnes ou les orgueilleux. Honte à ceux qui adorent des pierres ; pour nous, notre pierre est vivante ! Ils adorent l’idole ou le démon, qui se repaît de nos malheurs : un bon esprit refuserait tout culte. Sion a entendu le baptême de Corneille, et l’appel fait aux Gentils, elle a tressailli de joie. Ainsi le Seigneur s’est montré supérieur aux démons et aux anges Nous qui aimons le Seigneur, haïssons le mal, au risque d’être persécutés ; car la persécution ne peut nous ôter ni le ciel, ni la vie de l’âme, ni la lumière d’est haut. N’ayons de joie que dans le Seigneur ; puisqu’il n’y a pas de joie pour l’impie, la nôtre est pour l’autre vie, selon la promesse de l’Évangile.


1. Dieu donne au cœur chrétien de grands spectacles, et que rien ne surpasse en douceur, si toutefois nous avons le palais de la foi qui goûte le miel de Dieu. Vous tous, qui avez la foi en Jésus-Christ, vous avez en vous, je le crois, l’Esprit-Saint, qui vous donne une sainte joie quand vous entendez lire les prophéties, émanées depuis tant de

  1. Mat. 25,34
  2. Id. 30
  3. Id. 41
  4. Pas. 111,7
  5. Mat. 25,41
  6. 1Co. 4,7