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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/433

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siècles de la bouche de saints personnages, et qui s’accomplissent après tant d’années dans la conversion des Gentils. Ces saints prophètes ressentaient une grande joie de ce qu’ils voyaient, non pas accompli, mais dans l’avenir. Oui, c’était là une grande joie pour eux ; et même telle était la charité dont ils étaient embrasés pour nous, pour nous qu’ils ne voyaient point encore, et qu’ils enfantaient par l’esprit, qu’ils eussent voulu vivre de notre temps et avec nous, s’il leur eût été possible, et voir s’accomplir ce qu’ils prédisaient en esprit. De là cette parole du Sauveur aux disciples qui commençaient à voir cet accomplissement : « Beaucoup de justes et de Prophètes ont voulu voir ce que vous voyez, et ne l’ont point vu ; et entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu[1] ». Bien qu’ils vissent tout cela en esprit, ils ne le voyaient néanmoins que dans un lointain avenir ; tandis que les Apôtres l’avaient sous les yeux. C’est pourquoi le saint vieillard Siméon fut transporté d’une grande joie, quand il vit l’enfant Jésus, en découvrant sa grandeur dans un tel abaissement, et dans une faible chair, le Créateur du ciel et de la terre. Grande fut sa joie, parce qu’il avait reçu la promesse qu’il ne sortirait point de cette vie, sans voir le salut de Dieu. Il le reconnut donc, en conçut une grande joie, et s’écria dans un saint ravissement : « Seigneur, vous laisserez maintenant mourir en paix votre serviteur ; car mes yeux ont vu votre salut[2] ». Voilà une grande joie, et que produit la charité. Le chant du psaume vous a donné une sainte soie ; quelques passages étaient clairs pour tous ; d’autres, autant que j’en puis juger, ne l’étaient que pour un petit nombre, mais non pour tous assurément. Considérons-le donc tous ensemble, dans ce discours dont je vous suis redevable ; et voyons avec quelle bonté Dieu nous ménage le bonheur de voir ses promesses et de nous en montrer la vérité par leur accomplissement.
2. Voici le titre du psaume : « Pour David, lorsque sa terre a été rétablie[3] ». Il faut rapporter le tout au Christ, si nous voulons saisir le véritable sens ; ne nous écartons point de la pierre angulaire[4], de peur que notre intelligence ne tombe en ruine ; qu’en lui se consolide tout ce qui est mobile et chancelant, qu’en lui s’affermisse tout ce qui est incertain. Quelque doute que fassent naître dans notre esprit les saintes Écritures, que l’homme ne s’éloigne pas du Christ, et s’il le découvre dans ses lectures, qu’il soit certain de les avoir comprises, et qu’il ne se persuade point qu’il les comprend, tant qu’il n’y rencontre pas le Christ, « qui est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront en lui[5] ». Qu’est-ce à dire, et comment appliquer au Christ cette parole : « Quand sa terre fut rétablie ? » On comprend aisément que David ici désigne le Christ, puisque le Christ est né de Marie dans la famille de David, et coin me il devait naître dans la postérité de David, ce nom servait à le désigner en figure. Ainsi donc David c’est le Christ, et David signifie la main puissante ; or, quelle main est plus puissante que celle qui, de la croix, vainquit le monde ? Car après la résurrection et l’Ascension du Sauveur, quand les Apôtres reçurent le Saint-Esprit et parlèrent diverses langues[6], ceux qui avaient crucifié le Sauveur s’émurent, et demandèrent un conseil de salut, qu’ils reçurent, et embrassèrent la foi. Et Dieu leur pardonna le sang de son Christ qu’ils avaient répandu, et ils burent ce sang du Christ ; de persécuteurs, ils devinrent ses fidèles ; ils crurent en celui qu’ils avaient crucifié, et voulurent avoir pour chef, pour tête, celui devant qui ils avaient branlé la tête[7] avec tant d’insolence. C’est ainsi que « sa terre fut rétablie », selon le titre du psaume. Cette terre était la Judée ; or, la Judée avait péri entièrement quand les Juifs crucifièrent leur Seigneur ; frénétiques ignorants, ils sévirent contre le médecin, repoussant follement leur salut. La Judée avait donc péri totalement comment totalement ? Les Apôtres eux-mêmes furent ébranlés ; Pierre qui suivait son maître avec un amour audacieux, le renia trois fois avec une crainte excessive[8]. Après sa résurrection, Notre-Seigneur Jésus-Christ trouve quelques-uns d’entre eux qui parlent de lui en voyageant, et quand il leur demande le sujet de leur entretien, ils vont jusqu’à lui dire : « Etes-vous donc le seul étranger à Jérusalem pour ignorer ce qui vient de s’y passer en ces jours ? Et il leur dit : Quoi donc ? Touchant Jésus de Nazareth, ce prophète puissant en œuvres

  1. Mat. 13,17
  2. Luc. 2,29-30
  3. Psa. 96,1
  4. Eph. 2,20
  5. Rom. 10,4
  6. Act. 2,4-37
  7. Mat. 27,39
  8. Id. 26,70