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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/434

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et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple ; et comme les princes des prêtres et nos magistrats l’ont livré pour être condamné à la mort et l’ont crucifié. Or, nous espérions qu’il délivrerait Israël[1] ». Ils n’avaient déjà plus d’espérance en lui ; ils ne disent point : Nous espérons qu’il rachètera Israël ; mais : « Nous espérions qu’il rachèterait Israël ». Il était avec eux, mais eux n’espéraient pas en lui. Il se montre à eux, il se fait voir aux autres disciples ; on le voit, on le touche, ceux qui le croyaient mort le rencontrent ; la foi de ceux qui étaient tombés se releva, « et sa terre fut rétablie ». Après avoir passé quarante jours avec eus, il s’élève au ciel[2] ; et, comme je l’ai dit tout à l’heure, il envoie le Saint-Esprit à ses disciples, qui naguère ignorants, parlent maintenant toutes les langues. Alors tous ceux pour qui le Christ n’avait pas dit inutilement : « Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font[3] », furent touchés, disions-nous encore, et demandèrent le salut, et on leur conseilla de croire en lui. Trois mille embrassèrent la foi en un seul jour, et cinq mille en un autre[4]. Alors le Christ vit surgir une Église fervente, dans ces mêmes lieux où l’effervescence l’avait couvert d’opprobre, « et sa terre fut restituée ». Mais comme il avait dit : « J’ai d’autres brebis, qui ne sont point de ce bercail, et il me faut les appeler, afin qu’il n’y ait qu’un seul bercail et un seul pasteur[5] » ; il envoya ses Apôtres chez les Gentils auxquels il n’avait pas envoyé les Prophètes. Ils allèrent chercher ceux qui ne cherchaient point, et trouvèrent ceux qui n’espéraient rien. Ils n’avaient aucune promesse, et ils trouvèrent un Dieu Sauveur. Quant aux Juifs, ils avaient les promesses de Dieu, par les Prophètes, qui leur avaient annoncé le Christ, prêché le Christ, et sous leurs yeux ne le reconnurent point. Aux Gentils, au contraire, nulle promesse n’avait été faite : mais les Prophètes avaient parlé de conversion. Nulle parole ne leur avait été adressée, mais on avait parlé d’eux. Les Apôtres leur furent envoyés, et vous avez entendu ce que Dieu fit pour eux ; la lecture des Actes des Apôtres vous a fait connaître comment le centenier Corneille embrassa la foi. Ce centenier n’était point juif de nation. Il priait, il jeûnait, il faisait des aumônes. Dieu ne l’abandonna point, bien qu’il appartînt aux peuples idolâtres ; mais un ange lui fut envoyé pour lui annoncer que ses aumônes et ses oraisons étaient agréables à Dieu. Il crut, après avoir appelé Pierre chez lui[6]. L’ange ne pouvait-il pas l’instruire ? Pierre lui fut envoyé, afin qu’un homme fît naître en lui une foi plus parfaite, et lui montrât que Dieu a daigné visiter les hommes, et qu’il daigne bien nous instruire par les hommes, lui qui a bien voulu se faire homme. C’est ainsi que « sa terre a été rétablie », quand une muraille est venue des Juifs, et une autre muraille des Gentils : et qu’il a été lui-même la pierre angulaire reliant ces murailles qui venaient de directions différentes[7].
3. Comment pouvons-nous encore entendre : « Quand sa terre fut rétablie ? » Quand il ressuscita dans la chair. Car cet autre sens, qui ne s’éloigne pas du Christ, peut encore se soutenir : sa terre rétablie, c’est sa chair ressuscitée. C’est après sa résurrection que s’accomplirent toutes les merveilles que chante notre psaume. Écoutons donc ce chant joyeux sur le rétablissement de la terre. Que le Seigneur notre Dieu veuille bien exciter en nous une attente et une joie qui réponde à la grandeur de ces mystères ; qu’il me donne une parole qui aille à vos cœurs, et que la joie que la vue de ces spectacles fait naître en mon âme vienne sur ma langue pour passer de là dans vos cœurs, puis dans vos actes.
4. « Le Seigneur a régné ». Celui qui a comparu devant un juge, qui a reçu des soufflets, qui a été flagellé, qui a été conspué, lui a été couronné d’épines, dont le visage a été meurtri par les coups, qui a été suspendu au gibet, qui a été insulté sur la croix, qui est mort sur cette même croix, qui a été percé d’une lance, qui a été enseveli, et qui est ressuscité, « le Seigneur a régné ». Qu’ils sévissent de toute leur puissance dans ces royaumes de la terre, que feront-ils au roi des rois, au Seigneur de tous les potentats, au créateur de tous les siècles ? Est-il donc méprisable, pour avoir paru sur la terre si soumis, si humilié ? C’est là un acte de miséricorde, et non d’impuissance. S’il apparaît humble, c’est afin d’être à. notre portée. Mais voyons ces paroles : « Le Seigneur a régné : que la terre en tressaille, que les îles en soient dans la joie ». Car la parole de Dieu n’a pas été seulement prêchée sur les continents,

  1. Lc. 24,18-21
  2. Act. 1,3-9
  3. Lc. 23,31
  4. Act. 2,41 ; 4,4
  5. Jn. 10,16
  6. Act. 10
  7. Eph. 2,20