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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/450

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qui couvrait la vérité dans les livres anciens, fût enfin déchiré, et que la vérité sortit de la terre. Il est dit en effet dans un psaume : « La vérité s’est levée de la terre, et la justice a regardé du ciel[1] ». Tout notre but maintenant, quand nous lisons les psaumes, les prophètes, la loi, livres tous écrits avant la naissance de Jésus-Christ Notre-Seigneur, est donc d’y retrouver le Christ, d’y comprendre le Christ. Que votre charité donc examine ce psaume, afin d’y chercher le Christ : assurément il apparaîtra à ceux qui le cherchent, lui qui s’est montré à ceux qui ne le cherchaient point ; il n’abandonnera point ceux qui soupirent après lui, quand il a racheté ceux qui le dédaignaient. C’est par lui que commence le psaume, quand il dit :
2. « Le Seigneur a régné, que les peuples frémissent[2] ». Notre-Seigneur a commencé son règne, on a commencé à le prêcher quand il est ressuscité des morts pour monter aux cieux, quand il a rempli ses disciples d’une sainte confiance dans l’Esprit-Saint, afin qu’ils n’eussent plus à craindre la mort qu’il avait tuée en lui-même. Or, il a commencé d’être annoncé aux hommes, afin que ceux qui voudraient être sauvés crussent en lui ; et alors les peuples qui adoraient des idoles ont frémi de colère. Ils frémissaient quand on leur prêchait tin Dieu qui les avait faits, ces hommes qui adoraient ce qu’ils avaient fait. Il se faisait annoncer par ses disciples, lui qui voulait ramener les hommes au Dieu qui les a créés, et les détourner des idoles qu’ils avaient faites. En faveur de l’idole, ils s’emportaient contre leur Seigneur, eux qui en faveur de leur idole ne pouvaient s’emporter contre leur esclave sans encourir la damnation. Car l’esclave valait bien mieux que l’idole, puisque c’est Dieu qui a créé l’esclave, tandis qu’un simple ouvrier a fait l’idole. Tel était leur zèle pour l’idole, qu’ils ne craignaient point de s’emporter coutre Dieu. Cette colère était prédite, mais non commandée ; David l’a dit en effet : « Le Seigneur a régné, que les peuples s’irritent ». Cette colère des peuples peut aboutir ; ils se fâcheront, et les martyrs seront couronnés par cette même colère. Qu’ont fait ces peuples aux prédicateurs de la vérité, aux nuées du Christ qui environnaient la terre, et qui arrosaient le champ du Christ ? Que leur ont-ils fait dans leur colère, sinon de tourmenter la chair qui était entre leurs mains, et de faire couronner l’âme qui était entre les mains de Jésus-Christ ? Et toutefois cette chair qu’ont pu tuer les persécuteurs, n’a pas été tellement morte, qu’elle eût péri éternellement : elle aura son temps pour ressusciter à son tour, puisque le Seigneur nous a déjà montré par lui-même que la chair doit ressusciter. Il a voulu se revêtir de notre chair, afin que nous ne pussions en désespérer. Donc, mes frères, la chair de ces serviteurs, que les idolâtres ont mis à mort, ressuscitera dans son temps : mais l’idole brisée par le Christ ne sera point rétablie par l’ouvrier. Tout à l’heure, quand on lisait Jérémie avant de lire les Apôtres, vous avez entendu, pour peu d’attention que vous ayez apportée, que les temps où nous vivons sont annoncés. Car il dit « Qu’ils périssent de la terre et de dessous le ciel, ces dieux qui n’ont fait ni le ciel ni la terre[3] ». Il ne dit point : Qu’ils disparaissent du ciel et de la terre, puisqu’ils n’ont jamais été au ciel. Mais que dit-il ? « Que les dieux qui n’ont pas fait le ciel et la terre disparaissent de la terre ». Comme s’il répondait au sujet de la terre, et n’avait rien à répondre à propos du ciel, puisque ces dieux n’ont jamais été dans le ciel : il nomme la terre deux fois, puisqu’elle est sous le ciel. « Qu’ils périssent de la terre, et de dessous le ciel », ou de leurs temples. Voyez si cet oracle ne s’accomplit point, s’il ne l’est même en grande partie. Que reste-t-il, combien en reste-t-il ? Ces idoles subsistent bien plus dans le cœur des païens, que dans leurs temples.
3. Donc « le Seigneur a régné, que les peuples s’irritent. Lui qui s’assied sur les chérubins », sous-entendu « a régné. Que la terre soit en émoi ». Ces derniers mots sont une répétition de ces autres : « Que les peuples s’irritent ». Car cette expression : « Seigneur », est répétée dans : « Celui qui s’assied sur les chérubins ». Il a régné », du premier verset, est sous-entendu dans le second, et : « Que les peuples s’irritent », est répété dans : « Que la terre soit en émoi ». Que sont en effet les peuples, sinon la terre ? Que la terre se soulève tant qu’elle voudra contre celui qui est assis dans le ciel. Le Seigneur en effet fut autrefois sur la terre, et il se fit de cette terre une chair afin d’habiter sur la terre. Il se revêtit de notre chair, et voulut être la première

  1. Ps. 84,12
  2. Id. 98,1
  3. Jer. 10,11