Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tour, alors « tous ceux qui les virent, furent plongés dans le trouble ». Dieu fut donc glorifié : le Christ fut annoncé ; dès lors plusieurs d’entre les Juifs s’aperçurent que leurs coreligionnaires avaient échoué dans la réalisation de leurs projets : une foule de miracles s’opéraient, en effet, sous leurs yeux, au nom de Celui qu’ils avaient crucifié et fait mourir de leurs propres mains. Ils se séparèrent donc de cœur et d’affection de leurs frères endurcis, trouvant dans l’opiniâtre impiété de ces malheureux aveugles un sujet de dégoût et d’horreur : et, mieux inspirés par rapport à leur salut, ils s’adressèrent aux Apôtres, et leur dirent : « Que ferons-nous ? Tous ceux qui les virent, furent plongés dans le trouble[1] ». En d’autres termes, on vit tomber dans le trouble tous ceux qui s’aperçurent de l’inutilité de leurs projets, et comprirent que leurs malicieux complots tourneraient à leur propre confusion et à leur propre perte.
16. « Et tout homme fut saisi de crainte[2] ». Ceux qui n’éprouvèrent pas ce sentiment de crainte ne méritaient pas même le nom d’hommes. « Tout homme fut saisi de crainte » : c’est-à-dire, toute personne raisonnable et capable d’apprécier les événements : aussi, devrait-on donner le nom de bêtes, et même de bêtes brutes et sauvages, aux hommes qui demeurèrent alors insensibles à la crainte ; et le peuple juif est encore aujourd’hui un lion qui rugit et fait des victimes. Mais la crainte s’empara de tout homme, c’est-à-dire, de quiconque voulut se soumettre au joug de la foi, et conçut une sainte frayeur à la pensée du jugement à venir. « Et tout homme fut saisi de crainte, et ils publièrent hautement les œuvres de Dieu ». À celui qui disait : « Seigneur, délivrez-moi de la crainte de mes ennemis », s’appliquent donc ces paroles : « Tout homme a été saisi de crainte ». Il était délivré de la crainte de ses ennemis, mais il était sous l’impression de la crainte de Dieu. S’il redoutait quelqu’un, c’était, non pas celui qui peut tuer le corps, mais celui qui peut précipiter tout à la fois le corps et l’âme dans la géhenne du feu[3]. Les Apôtres ont prêché l’Évangile. D’abord, Pierre fut saisi de crainte, il avait peur de l’ennemi : son âme n’était pas encore à l’abri de toute appréhension à l’égard de ses adversaires. Questionné par une servante sur sa présence au milieu des disciples du Sauveur, il renia trois fois son divin Maître[4]. Après sa résurrection, Jésus affermit cette colonne de l’Église. Pierre annonce alors la bonne nouvelle sans trembler, et, néanmoins, sous l’influence de la crainte ; sans trembler en face de ceux qui peuvent tuer le corps ; sous l’influence de la crainte à l’égard de celui qui peut précipiter tout à la fois le corps et l’âme dans la géhenne du feu. « Tout homme a été saisi de crainte, et ils ont hautement publié les œuvres de Dieu ». Dès que les Apôtres eurent commencé à publier les œuvres du Très-Haut, les princes des prêtres les firent comparaître devant eux, et leur firent des menaces en leur intimant « la défense de prêcher au nom de Jésus-Christ. Mais ceux-ci leur répondirent : Dites-nous à qui, de Dieu ou des hommes, il vaut mieux obéir[5] ? » Que pouvaient-ils répondre à une pareille question ? Auraient-ils osé dire qu’il vaut mieux obéir aux hommes qu’à Dieu ? Non, et leur réponse n’était pas douteuse, et ils devaient déclarer que la soumission envers Dieu doit avoir le pas sur la soumission à l’égard des hommes ; aussi, parce qu’ils connaissaient la volonté du Tout-Puissant, les Apôtres dédaignèrent-ils les menaces des prêtres. « La crainte, dont l’homme fut saisi », devint donc la source de sa fermeté et de son courage, et « ils publièrent hautement les œuvres de Dieu ». Si l’homme éprouve des sentiments de crainte, ce n’est point son semblable, mais son créateur qui doit les lui inspirer. Redoute ce qui est supérieur à l’homme, et jamais l’homme ne te fera trembler. Appréhende la mort éternelle, et tu ne t’inquiéteras nullement de la vie présente. Soupire après les immortelles voluptés du paradis ; que l’immuable tranquillité du ciel soit l’objet de tes désirs, et tu te riras du monde entier et de tous ses faux biens. Aime et crains en même temps ; aime ce que Dieu te promet, crains l’effet de ses menaces, et les promesses de l’homme ne corrompront point ton cœur, et ses menaces ne t’ébranleront pas. « Tout homme a été saisi de crainte, et ils ont publié hautement les œuvres de Dieu, et ils les ont comprises ». Qu’est-ce à dire : « Ils ont compris ses prodiges ? » Était-ce là, ô Seigneur Jésus,

  1. Act. 2,1-37
  2. Ps. 63,10
  3. Mt. 10,28
  4. Mt. 26,69
  5. Act. 5,27-29