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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/50

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18. « Le juste se réjouira dans le Seigneur, et il espérera en lui, et tous ceux qui ont le cœur droit seront au comble de l’allégresse ». Le Seigneur Jésus est ressuscité, il est monté au ciel, il nous a prouvé par là l’existence d’une autre vie, il a manifesté au grand jour les desseins qu’il tenait cachés au plus profond de soit cœur, et fait voir qu’ils n’étaient pas vains ; il a répandu son sang comme prix de notre rédemption : la sagesse de ses plans divins a éclaté au grand jour : on a publié ses prodiges : le monde entier y a cru ; le juste, n’importe en quelle contrée du monde il se trouve, « se réjouira donc dans le Seigneur, et mettra son espérance en lui, et tous ceux qui ont le cœur droit, seront au comble de l’allégresse ». Qui sont ceux dont le cœur est droit ? Mes frères, nous vous le disons souvent, et il est bon pour vous de le bien comprendre. Qui sont ceux dont le cœur est droit ? ce sont les hommes qui attribuent les tribulations, au milieu desquelles ils vivent, non à un défaut de sagesse de la part de Dieu, mais à sa sagesse, et qui les regardent comme un moyen providentiel destiné à la guérison de leur âme : de pareilles gens ne sont point infatués de la pensée de leur propre justice, au point de supposer qu’ils souffrent sans l’avoir mérité, ou d’accuser Dieu de ce que les plus grands pécheurs ne sont pas les plus affligés. Encore une fois, remarquez-le, car nous vous l’avons souvent dit. Souffres-tu quelque maladie dans ton corps, ou une perte dans tes biens, ou une séparation pénible occasionnée par la mort, dans ta famille ? Parmi ceux qui t’entourent, tu en remarques de plus méchants que toi, et sans te croire vraiment juste, tu les reconnais moins bons encore ; je t’en conjure, ne sois point jaloux de ce qu’ils réussissent, et se trouvent à l’abri des châtiments célestes. Puissent les desseins du Très-Haut ne point ébranler ta foi ! Ne dis pas : Je suis pécheur, et Dieu me punit : pourquoi donc n’inflige-t-il aucune punition à cet homme, qui l’a évidemment offensé plus grièvement que moi ? J’ai mal fait, je le sais bien ; mais si coupable que je sois, le suis-je autant que lui ? Si tu parlais ainsi, tu donnerais la preuve sans réplique de la fausse direction imprimée à tes pensées. Que le Dieu d’Israël est bon, mais pour ceux qui ont le cœur droit ! Tes pieds glissent sous toi, parce que tu t’irrites contre les pécheurs, envoyant la paix dont ils jouissent[1]. Laisse agir le médecin ; celui qui connaît la blessure sait le remède qu’il doit y appliquer. Mais pourquoi cet autre n’est-il pas maltraité ? Pourquoi ? parce qu’il est impossible d’espérer le sauver. On te fait de douloureuses incisions, parce que tu pourras guérir. Souffre donc, avec droiture de cœur, toutes tes épreuves. Le Seigneur sait ce qu’il doit t’accorder, et ce qu’il doit te refuser. Ce qu’il te donne doit servir à te consoler, et non à te corrompre ; s’il te refuse ses dons, supportes-en la privation et ne blasphème pas. Si la conduite de Dieu te déplaît et te fait blasphémer, si tu te complais en toi-même, c’est la preuve que tu as le cœur tordu et perverti ; et le pis, en tout cela, c’est que tu veux faire du cœur de Dieu ce que tu fais du tien : tu veux lui imposer tes volontés au lieu d’agir selon son bon plaisir. Eh quoi ! Voudrais-tu détourner aussi du bien le cœur de Dieu ? Il est si droit ! Prétendrais-tu lui communiquer la fausseté du tien ? Ne vaudrait-il pas mieux, mille fois, ramener le tien à la droiture dc celui de Dieu ? N’est-ce point là ce que t’a enseigné ce Dieu, dont les souffrances faisaient tout à l’heure le sujet de nos entretiens ? Ne te montrait-il pas qu’il s’était revêtu de ta faiblesse, quand il disait : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ? » Ne te figurait-il pas en sa personne, quand il disait : « Mon Père, si c’est possible, que ce calice s’éloigne de moi ? » Le cœur du Père et celui du Fils n’étaient pas différents l’un de l’autre : ce n’était, à vrai dire, qu’un seul cœur ; mais en se revêtant de la forme d’esclave, il a pris ton cœur pour l’instruire par ses exemples. Or, voilà qu’en face de la tribulation, ton cœur est tout différent du sien : il voudrait ne pas être éprouvé ; il se met en contradiction avec la volonté divine. Puisque le cœur de Dieu ne peut se prêter aux mauvaises dispositions du tien, conforme donc le tien à celui de Dieu ; écoute ce qu’il dit à son Père : « Toutefois, ne faites pas ce que je veux, mais faites ce que vous voulez[2] ».
19. Aussi, « tous ceux qui ont le cœur droit, seront loués ». Qu’en conclure ? C’est que, si « ceux qui ont le cœur droit, doivent être loués », ceux qui ont le cœur tordu et déréglé seront condamnés. Tu as à choisir de deux choses l’une : choisis donc tandis qu’il en est

  1. Ps. 72,1-3
  2. Mt. 26,38-39