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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/511

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menaces, tout cela n’est que la fleur de l’herbe, Voilà une maison florissante, nous dit-on, une grande maison ; voilà une famille florissante : combien y sont en honneur, ou combien d’années dure cette pompe ! Beaucoup d’années pour toi ne sont pour Dieu qu’un temps bien court. Dieu ne compte point le temps comme tu peux le compter. Tout ce qu’il y a d’éclatant dans une maison florissante n’est qu’une fleur des champs, en comparaison de ces siècles qui vivent et qui durent toujours. Toute la beauté d’une fleur dure à peine une année. Tout ce qu’il y a de vif, tout ce qu’il y a d’agréable, tout ce qu’il y a d’éblouissant ne dépasse pas une année entière, et même c’est à peine si cela dure une année entière. Combien rapidement passent les fleurs, et cependant c’est l’ornement de la terre. Ce qui a le plus d’éclat passe aussi le plus vite. « Toute chair est comme l’herbe, et la gloire de l’homme est comme la fleur de l’herbe : l’herbe se fane, la fleur tombe, mais le Verbe du Seigneur demeure éternellement[1] ». Comme donc notre Père connaît notre argile, et sait que nous sommes une herbe, que nous ne pouvons fleurir que pour un temps, il nous a envoyé son Verbe, et ce Verbe, qui demeure éternellement, il l’a fait frère de cette herbe qui passe avec rapidité : ce fils unique dans sa, nature, seul né de sa substance, est le frère de tant de frères d’adoption. Ne t’étonne point de participer un jour à l’éternité de celui qui a pris part le premier à l’herbe dont tu es formé. Refusera-t-il ; de t’élever au-dessus de toi-même, celui qui s’est revêtu d’une humilité qui venait de toi ? Donc « l’homme » quant à ce qui est de l’homme, « n’est qu’une herbe, et ne doit fleurir que comme l’herbe des champs ».
23. « Un souffle passera en lui, et il ne sera plus, et ne connaîtra, plus sa place[2] ». Il sera comme exterminé, comme anéanti. C’est là qu’aboutit toute enflure, tout orgueil, toute élévation : « Un souffle passera en lui, et il ne sera plus, et ne connaîtra plus sa place ». Voyez tous les jours ceux qui meurent. C’est là que tout aboutit, c’est à la fin de tous les hommes. Ce n’est point du Verbe que parle ici le prophète, mais de ce qui a déterminé le Verbe à devenir une herbe qui passe. Tu es homme, en effet, et c’est pourquoi le Verbe s’est fait homme. Tu es chair, et c’est pourquoi le Verbe s’est fait chair, « Or, toute chair est une herbe, et le Verbe s’est fait chair[3] » Quelle espérance, pour cette herbe, que le Verbe se soit fait chair ? Ce Verbe qui demeure éternellement n’a pas dédaigné de se faire herbe, pour que l’herbe ne désespérât point d’elle-même.
24. En jetant donc les yeux sur toi, considère ta bassesse, considère ta poussière, et ne t’élève point ; tout ce que tu seras de plus, tu l’obtiendras de sa grâce et de sa miséricorde. Écoute en effet ce qui suit : « Mais la miséricorde du Seigneur s’étend de siècle en siècle sur ceux qui le craignent[4] ». Vous qui ne le craignez point, vous ne serez que foin, que dans le foin, et jeté au feu avec le foin. Car la chair ressuscitera, mais pour les tourments. Qu’ils se réjouissent donc, ceux qui craignent le Seigneur, parce qu’ils seront sous les abris de sa miséricorde.
25. « Et sa justice protège les enfants de leurs enfants[5] ». Ce qui rejaillit ici sur les « enfants des enfants » est une récompense. Combien de serviteurs de Dieu n’ont point d’enfants, combien plus encore n’ont point de petits enfants ? Mais le Prophète appelle enfants, nos œuvres : et « les fils de nos enfants », la récompense de nos œuvres. « Sa justice protège les enfants de leurs enfants, en faveur de ceux qui gardent son alliance ». Que tous ne s’imaginent point que ces promesses les regardent, mais qu’ils choisissent quand il en est temps. « En faveur de ceux », dit le Prophète, « qui gardent son testament, qui retiennent ses commandements dans leur mémoire, afin de les accomplir ». Déjà tu te disposais à te lever, à me réciter le psautier, mieux que je ne saurais le faire, ou à me réciter de mémoire toute la loi. Ta mémoire est meilleure que la mienne, meilleure que celle de tout juste, car nul juste ne peut réciter toute la loi : mais prends garde à retenir les préceptes. Comment les retenir ? Non point dans la mémoire, mais dans la pratique. « Qui retiennent dans leur mémoire ses commandements », non pour les réciter, mais « pour les pratiquer ». Ceci trouble peut-être quelque conscience. Qui retient tous les commandements de Dieu ? qui peut se souvenir de toute la loi ? Voilà que je veux, non seulement la retenir de mémoire, mais l’accomplir par mes œuvres ; mais qui la retient de mémoire ?

  1. Isa. 11,6-8
  2. Ps. 102,16
  3. Jn. 1,14
  4. Ps. 102,17
  5. Id. 18