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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/57

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être durable pour l’éternité ? Assurément elle doit disparaître à la mort. Mais la splendeur de la gloire et de la béatitude en Notre-Seigneur Jésus-Christ est éternelle. Tout cela n’était qu’une figure qui passait avec le temps, et ce que couvrait cette figure était la vérité. Aussi les Juifs lisent, mais sans comprendre le Christ ; la portée de leur vue ne va point jusqu’à la fin, parce que le voile qu’ils rencontrent leur dérobe la vue de la lumière intérieure. Vois ici le Christ sous un voile. Notre-Seigneur lui-même a dit : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi car c’est de moi qu’il a écrit[1] ». Or, après que nos péchés nous sont remis, ainsi que nos impiétés, par la vertu de ce sacrifice du soir, nous passons au Seigneur, et le voile est levé : c’est pourquoi quand le Seigneur fut sur la croix, le voile du temple se déchira[2]. « Exaucez ma prière, toute chair doit venir à vous. Les discours des impies ont prévalu sur nous, et vous nous remettrez nos impiétés ».
7. « Bienheureux celui que vous avez élu et adopté[3] ». Qui donc est choisi par lui et adopté ? Qui est élu par notre Sauveur Jésus-Christ ? Ou bien lui-même en sa chair, en son humanité serait-il élu et adopté ? Alors ce langage s’adresserait à lui, comme Verbe de Dieu, qui était dès le commencement, ainsi que le dit l’Évangéliste : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[4] » ; car il est aussi Fils de Dieu, Verbe de Dieu, dont il est dit encore : « Toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui » : en sorte que ce serait à lui, Fils de Dieu devenu prêtre pour nous, après avoir adopté une chair, que s’adresserait cette parole : « Bienheureux celui que vous avez élu et adopté », c’est-à-dire bienheureux l’homme dont vous vous êtes revêtu, qui a commencé dans le temps, qui est né d’une femme, le temple en quelque sorte de celui qui est toujours éternel, et qui a été éternellement. Ou plutôt le Christ aurait-il adopté quelque bienheureux, et alors on désignerait, non pas au pluriel, mais au singulier celui qu’il a adopté ? En effet, c’est un seul qu’il a adopté, car il n’adopte que l’unité. Il n’adopte ni les schismes, ni les hérésies, qui se divisent à l’infini ; il n’y a point la l’unité que l’on puisse adopter. Mais ceux qui demeurent dans l’union du Christ, et qui sont ses membres, ne font en quelque sorte qu’un seul homme, dont l’Apôtre a dit : « Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’homme parfait, à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ[5] ». Un seul homme est donc adopté, qui a pour chef le Christ : « Car le Christ est lui-même le chef de l’homme[6] ». C’est encore là « cet homme bienheureux qui n’est point allé dans les conseils des impies[7] », et le reste qu’on lit dans le Psaume : c’est lui qui est adopté. Mais il ne l’est pas à l’exclusion de nous ; car nous faisons partie de ses membres, nous sommes gouvernés par un même chef, nous vivons dans un même esprit, nous désirons tous la même patrie. Voyons donc si ce qui est dit du Christ, l’est aussi de nous, et nous concerne ; interrogeons nos consciences, et pénétrons cet amour ; si ce-t amour est faible et nouvellement éclos, car il a bien pu éclore dans quelque cœur, que celui-là arrache les épines qui croissent auprès, c’est-à-dire, les soucis du monde, de peur qu’ils ne viennent à s’accroître et à étouffer le germe sacré. « Bienheureux celui que vous avez élu et adopté ». Soyons en lui et nous serons adoptés à notre tour ; soyons en lui et nous serons élus.
8. Et que nous donnera-t-il ? « Cet élu », dit le Prophète, « habitera dans vos tabernacles ». Telle est la Jérusalem que chantent ceux qui commencent à sortir de Babylone : « Il habitera dans vos tabernacles ; nous serons comblés des biens de votre maison[8] ». Quels sont les biens de la maison de Dieu ? Mes frères, imaginons un palais bien riche, qui regorge de richesses, où tout soit en abondance, où brillent des vases d’or et d’argent, qui renferme de nombreux serviteurs, de grands troupeaux, beaucoup de chevaux ; un palais enfin qu’embellissent les peintures, les marbres, les lambris dorés, les colonnes, les galeries, les appartements divers ; voilà ce que l’on désire, mais lorsqu’on est encore dans la confusion de Babylone. Retranche tous ces désirs, habitant de Jérusalem, retranche tout cela ! Si tu désires le retour, que la captivité n’ait point de charmes pour toi. Es-tu sur le chemin du retour ? Ne regarde point en arrière, ne t’arrête pas en chemin. Il ne manque pas d’ennemis qui te vanteront

  1. Jn. 5,46
  2. Mt. 27,51
  3. Ps. 64,5
  4. Jn. 1,1-3
  5. Eph. 4,13
  6. 1 Cor. 11,3
  7. Ps. 1,1
  8. Id. 64,5