Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/590

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parole que je viens de rapporter à leur sujet : « Ils sont sortis d’entre nous, mais ils n’étaient point des nôtres ; s’ils eussent été des nôtres, ils fussent assurément demeurés avec nous[1] ». Mais s’ils sont des nôtres dans le secret de la prescience divine, il faudra qu’ils reviennent. Combien qui ne sont point des nôtres, et qui paraissent en être, et combien des nôtres, qui semblent néanmoins être dehors ! « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent[2] ». Ceux qui ne sont point des nôtres, bien qu’ils soient avec nous, s’en vont à la première occasion, et les nôtres qui sont dehors, reviennent quand l’occasion se présente. Écoutez donc ce que voulait alors le Seigneur dans le sens de ces paroles : « Il les a séduits dans une terre sans chemin, et non dans la voie ». Qu’en a fait le Seigneur ? Ce que j’avais dit tout d’abord, ce que vous devez écouter avec attention. Il pouvait les laisser avec nous jusqu’à la fin, mais alors ils n’eussent été pour nous d’aucun profit : or, dès qu’ils sont séparés de nous, et qu’ils nous troublent par des questions artificieuses, alors ils deviennent pour nous un aiguillon dans la recherche de la vérité, et un exemple de ce qu’il nous faut craindre. Chacun tremble quand il voit un homme tomber dans le schisme, car une telle chute semble lui dire : « Que celui qui se croit debout prenne garde à sa chute[3] ». Ceux qui se séparent de nous ont donc leur utilité ; car s’ils demeuraient avec nous, et avec cette malice, ils ne nous serviraient de rien. Aussi, qu’est-il dit à leur sujet dans un autre psaume ? « C’est une assemblée de taureaux », ou d’hommes à la tête haute, d’hommes orgueilleux ; « une assemblée de taureaux parmi les vaches des peuples[4] ». Par ces vaches des peuples, il faut entendre des âmes faciles à séduire, qui se laissent gagner par la séduction des taureaux. Mais pourquoi en est-il ainsi ? « Afin que l’on sépare ceux qui ont été éprouvés par l’argent ». Qu’est-ce à dire « que l’on sépare ? » Afin qu’ils apparaissent, qu’ils soient en relief, ceux qui sont à l’épreuve de la parole de Dieu. Quand, en effet, la nécessité force de répondre aux hérétiques, il en résulte une utilité pour l’édification des catholiques. Telle est la pensée exprimée par saint Paul : « Il faute, dit-il, « des hérésies, afin que les hommes d’une vertu éprouvée soient mis en évidence[5] ». Il faut donc qu’il y ait des taureaux séducteurs, « afin que ceux qui sont éprouvés par l’argent » soient mis en évidence, c’est-à-dire, « soient exclus », ou hors ligne. Qu’est-ce à dire, « ceux qui sont éprouvés par l’argent ? » « Les paroles du Seigneur sont des paroles chastes ; c’est un argent que le feu a séparé de la terre, a purifié sept fois[6] ». Quiconque dès lors est éprouvé par cet argent, c’est-à-dire par cette parole du Seigneur, ne peut briller de l’éclat de cet argent, qu’à la condition d’être harcelé par les questions des hérétiques. Et ici, redoublez d’attention, car le Prophète ne l’a point omis. « Voilà que la honte se répandit sur les princes », ou sur ces taureaux. D’où leur venait cette honte ? De ce qu’ils annonçaient un autre évangile. Qu’est-ce à dire, couverts de honte ? Frappés d’anathème. « Quiconque vous annoncera un évangile autre que celui que nous avons annoncé, qu’il soit anathème[7] ». Quoi de plus méprisé qu’un sel affadi[8], que l’on jette au-dehors et que l’on foule aux pieds ? Et voyez s’ils ne sont pas réellement des princes, écoutez l’Apôtre lui-même. « Quand nous vous annoncerions, ou qu’un ange venu du ciel vous annoncerait un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ». Ce sont des princes, diras-tu, des savants, des grands, des pierres précieuses. Que vas-tu ajouter encore ? Sont-ils des anges ? Et pourtant, « quand même un ange vous annoncerait un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ». Car le diable est tombé du ciel, tout ange qu’il était. « Le mépris s’est répandu sur les princes, et Dieu a secouru le pauvre dans son indigence[9] ». Qu’est-ce à dire, mes frères, que les princes ont été couverts de mépris et les pauvres secourus ? Les orgueilleux sont tombés dans l’abjection et les humbles élevés en gloire. Telle est l’œuvre de Dieu ; et, en agissant ainsi, « il a secouru le pauvre dans son indigence ». Car celui-ci est un mendiant qui ne s’attribue rien à lui-même, qui espère tout de la miséricorde divine, qui crie devant la porte de son Seigneur, qui est nu et tremblant, demandant à être vêtu, qui tient les yeux baissés vers la terre, battant sa poitrine. C’est ce

  1. Jn. 2,19
  2. 2 Tim. 2,19
  3. 1 Cor. 10,12
  4. Ps. 67,31
  5. 1 Cor. 11,19
  6. Ps. 11,7
  7. Gal. 1,9
  8. Mt. 5,13
  9. Ps. 106,41