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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/620

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DISCOURS SUR LE PSAUME 110

SERMON AU PEUPLE POUR LE JOUR DE PÂQUES.

LES MERVEILLES DU SEIGNEUR.

L’Alléluia de la terre est l’image de l’Alléluia du ciel ; et si les jours du Carême sont l’image des misères de la vie, auxquelles viennent succéder les jours de joie, ainsi en sera-t-il de la joie éternelle, succédant aux douleurs de la vie présente. Tant que l’on prêche les dix préceptes dans les quatre parties du monde, ce qui par la multiplication nous donne le nombre quarante, nous devons nous priver des plaisirs mondains, et si au nombre quarante on ajoute le dernier au nombre dix, nous obtenons cinquante, image de la récompense. – La confession par laquelle commence notre Psaume est une confession de louange, et le Prophète la fait dans l’assemblée des saints, alors que l’iniquité a disparu. Telle est la grande œuvre du Seigneur, et nul ne va contre sa volonté, pas même l’impie qui doit revenir à lui ou subir le châtiment ; cette grande maure est donc la justification de l’impie ; œuvre de véritable grâce, puisqu’elle ne vient point de nos mérites. Le Seigneur se réserve des temps pour ses prodiges et nous a dès ici-bas donné pour nourriture ce Verbe que nous posséderons éternellement. Il montrera aux saints la puissance de ses œuvres ou la prédication de l’Évangile ; lui seul peut nous juger, et non les hommes qui ont jugé les martyrs ; lui seul donne le rédempteur qu’il a promis. Ce testament éternel est bien le Nouveau, puisque l’Ancien n’est plus. Loin de nous la Jérusalem terrestre avec ses promesses charnelles ; ne cherchons que la sagesse dont le commencement est la crainte de Dieu ; celui-là a l’intelligence, qui fait le bien, et sa récompense sera de siècle en siècle.
1. Voici les jours de chanter Alléluia : réveillez donc votre attention, mes frères, pour accueillir ce que Dieu nous suggère, afin de vous encourager et de nourrir cette charité qui nous fait adhérer au Seigneur pour notre bien. Réveillez votre attention, vous qui chantez si bien le Seigneur, vous enfants de la louange, et de la gloire éternelle de Dieu toujours vrai, toujours incorruptible. Soyez attentifs, ô vous, qui savez au fond de vos cœurs, et chanter au Seigneur, et jouer de la harpe : rendez-lui grâces en toutes choses[1], et louez Dieu, tel est l’Alléluia. Ces jours qui viennent passeront, il est vrai, et ils passeront pour revenir encore ; mais ils nous désignent ce jour par excellence, qui ne vient point, qui ne passe point, qui n’est point annoncé par le jour d’hier, ni chassé par un lendemain. Et quand nous serons arrivés à ce jour, nous nous y attacherons pour no plus passer. Et comme en certain endroit nous chantons à Dieu : « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles[2] » ; telle sera notre œuvre dans le repos, notre travail dans l’inaction, notre occupation dans la quiétude, notre soin dans la tranquillité. De même qu’aux jours de carême, qui marquaient les afflictions de cette vie avant la résurrection du Sauveur, viennent succéder ces jours d’une joie solennelle, ainsi ce jour unique, qui sera donné après la résurrection au corps entier du Christ, c’est-à-dire à la sainte Église, viendra dans une joie sainte pour succéder à toutes les douleurs et à toutes les misères de cette vie. Quant à la vie présente, nous devons la passer dans la modération, en gémissant sous le poids du labeur, et dans les combats, en désirant nous revêtir de la gloire de cette maison céleste[3], et en nous abstenant des plaisirs du siècle : aussi est-elle figurée par ce nombre de quarante, qui détermine les jours de jeûne pour Moïse, pour Elie, pour le Seigneur[4]. Ainsi la loi et les Prophètes, et l’Évangile, auquel viennent rendre témoignage la loi et les Prophètes, puisque sur la montagne le Sauveur montra sa gloire au milieu de Moïse et d’Elie[5] ; la loi et les Prophètes, et l’Évangile nous ordonnent d’imposer en quelque sorte le jeûne de la tempérance à cette avidité pour des plaisirs mondains qui nous captivent jusqu’à nous faire oublier Dieu ; et cela tout le temps que l’on prêche cette loi du décalogue dans les quatre parties du monde ; en sorte que dix, multiplié par quatre, donne le nombre quarante. Quant à ces cinquante jours pendant lesquels nous chantons Alléluia, après la résurrection du

  1. Eph. 5,19-20
  2. Ps. 83,5
  3. 2 Cor. 5,2
  4. Exod. 34,28 ; 1 R. 19,8 ; Matth, 4,2
  5. Mt. 17,3