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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/633

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seront assourdies ; elles lécheront la poussière comme les serpents qui rampent sur la terre ; elles seront troublées dans leurs demeures, et dans la stupeur en présence du Seigneur Dieu, et vous les jetterez, Seigneur, dans l’épouvante. Qui est semblable à ton Dieu, pour ôter l’iniquité, et oublier les péchés du reste de ton héritage ? Il n’a point répandu sa colère comme un témoignage, parce qu’il fait ses délices de la miséricorde ; mais il reviendra et aura pitié de nous, il déposera nos iniquités, il précipitera toutes vos fautes au fond de l’abîme »[1]. Vous le voyez, mes frères, Dieu nous révèle ici les mystères les plus saints. Dans ce psaume, dès lors, bien que l’Esprit-Saint nous découvre les merveilles de l’avenir, il semble néanmoins nous entretenir du passé. « Le peuple Juif », dit-il, « fut son peuple saint : la mer le vit et s’enfuit ». Fut, vit, et s’enfuit, sont les expressions du passé. Le Jourdain rebroussa, les montagnes bondirent, la terre fut ébranlée, tout cela est au passé, et néanmoins nous devons l’entendre de l’avenir. Autrement, nonobstant la vérité de l’Évangile, il nous faudrait aussi voir un fait accompli, et non une prophétie de l’avenir, dans cette parole : « Ils ont partagé mes vêtements, et tiré ma robe au sort »[2]. Bien que ces paroles soient au passé, elles étaient néanmoins une prophétie de ce qui devait arriver si longtemps après, à la passion du Sauveur. Et toutefois, mes frères bien-aimés, le Prophète, que je viens de citer, a voulu ouvrir les yeux les moins clairvoyants pour les faire passer instantanément des choses passées à l’intelligence des choses futures, afin non seulement de nous faire croire, sur l’autorité des Apôtres, que nous étions figurés dans ces actes, mais de nous le montrer par les Prophètes eux-mêmes, en sorte que, après le témoignage de leurs écrits, la vérité que nous découvrons avec certitude nous remplisse de sécurité et de joie, en tirant ainsi du trésor des saintes Écritures des choses nouvelles et anciennes, qui ont un si parfait accord. Bien que le Prophète que je viens de citer n’ait ainsi parlé que fort longtemps après la sortie de l’Égypte, et fort longtemps aussi avant les jours de l’Église, il assure néanmoins, à n’en pas douter, qu’il prédit l’avenir. « Je ferai des prodiges », nous dit-il, « comme à leur sortie de l’Égypte. Les nations le verront et seront confondues ». C’est-à-dire, comme l’a précisé le psaume : « La mer le vit, et s’enfuit ». Or, si ces expressions « vit » et « s’enfuit », qui marquent le temps passé, en figurent un autre qui est à venir, devant ces autres expressions : « Ils verront et seront confondus », qui sont bien au futur, quel homme pourrait penser au passé ? Un peu après le même Prophète nous montre, avec la clarté du jour, que ces ennemis, qui nous poursuivaient pour nous donner la mort, sont bien nos péchés, que le baptême efface et submerge comme la mer engloutit les Égyptiens : « Dieu », nous dit-il, « se plaît à faire miséricorde ; il reviendra, et nous prendra en pitié ; il submergera nos iniquités, et précipitera nos péchés dans la mer ».
5. Qu’est-ce à dire, mes chers frères ? vous, qui vous reconnaissez pour les véritables enfants d’Abraham, qui êtes la maison de Jacob, les héritiers de la promesse, comprenez que vous êtes sortis de l’Égypte, puisque vous avez renoncé au monde, que vous êtes séparés du milieu d’un peuple barbare, eu abjurant par un humble aveu, les blasphèmes des nations. Ce n’est point en effet votre langue, mais la langue barbare, qui ne sait point louer ce Dieu à qui vous chantez l’Alléluia ; c’est en vous que la nation juive a été consacrée à Dieu : « Car le juif n’est point celui qui l’est au-dehors, et la circoncision n’est pas celle qui se faisait sur la chair ; mais le juif est celui qui l’est intérieurement, et la circoncision se fait dans le cœur »[3]. Interrogez donc vos cœurs ; voyez si la foi les a circoncis, et si la confession les a purifiés, alors c’est en vous que le peuple Juif est consacré à Dieu, en vous que réside son pouvoir sur Israël. Car il vous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu[4].
6. Que chacun de vous se souvienne maintenant du moment où il a résolu d’appliquer son cœur à Dieu, de s’humilier sous son joug qui est si doux, d’abjurer toutes les convoitises du vieil homme et de l’ignorance, de soumettre à Dieu son esprit, en renonçant avec mépris à ce qu’il y a de charnel en ce monde (ce qui était pour lui un labeur sans fruit, comme s’il eût fabriqué sous le joug du démon, des briques en Égypte), alors que la voix de Dieu lui disait : « Venez à moi, vous

  1. Mic. 7,15-19
  2. Ps. 21,19
  3. Rom. 2,28-29
  4. Jn. 1,12