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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/634

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tous qui souffrez, et qui êtes chargés, et je vous soulagerai[1] » ; et en vous chargeant du fardeau du Christ, que chacun de vous se souvienne comment tous les obstacles du monde s’aplanirent ; les voix, qui eussent voulu le dissuader, n’osèrent se faire entendre, ou rentrèrent dans le silence, en considérant le nom du Christ honoré et chanté dans toute la terre. Donc, « la mer a vu et a pris la fuite », afin de t’ouvrir un passage sans obstacle à la liberté de l’esprit.
7. Pour savoir comment rebroussa le Jourdain, je ne veux point que vous cherchiez hors de vous-mêmes, ou que vous soupçonniez quelque chose de mauvais. Le Seigneur reproche à quelques-uns de lui tourner le dos et non la face[2]. Or, quiconque abandonne son principe, et se détourne de son Créateur, tombe dans les eaux amères de ce monde, comme le fleuve dans la mer. Il est donc bon pour lui qu’il remonte vers sa source ; qu’il se trouve face à face avec ce Dieu, auquel il avait tourné le dos ; qu’il laisse bien derrière lui cette mer de ce monde, qu’il avait placée devant lui, et où il précipitait sa chute ; qu’il oublie ainsi tout ce qui est derrière lui pour s’avancer vers ce qui est devant lui[3] : tel est le bien pour tout homme déjà converti. Oublier ce qui est derrière lui, avant d’être converti, ce serait oublier Dieu, puisqu’il l’a mis derrière et lui a tourné le dos ; et s’avancer vers ce qui est devant lui, ce serait s’avancer vers le siècle, car c’est au siècle qu’il a tourné la face pour s’y précipiter avidement. Le Jourdain est donc la figure de ceux qui ont reçu la grâce du baptême ; et le Jourdain remonte vers sa source, quand ces hommes se tournent vers Dieu, afin de ne plus l’avoir derrière eux, mais de contempler la gloire du Seigneur à visage découvert, et d’être transformés en sa ressemblance de clarté en clarté[4].
8. « Les montagnes bondirent comme des béliers » ; c’est-à-dire les saints Apôtres, fidèles dispensateurs de la parole de vérité, les saints prédicateurs de l’Évangile. « Et les collines comme des agneaux[5] » c’est-à-dire les néophytes à qui l’Apôtre a dit : « Je vous ai engendrés par l’Évangile à Jésus-Christ » ; et encore : « Ce n’est point pour donner de la confusion que je vous écris, mais pour vous avertir, comme des enfants bien-aimés[6] » ; et encore : « Offrez au Seigneur les petits des béliers[7] ». Jetez les yeux sur la terre, vous qui savez admirer ces merveilles, qui en ressentez de l’allégresse et chantez des cantiques d’actions de grâces au Seigneur votre Dieu : jetez les yeux, et voyez comment s’accomplissent, parmi les nations, ces prophéties et ces actions figuratives, qui ont devancé de tant de siècles.
9. Voyez et chantez avec le Prophète : « Pourquoi t’enfuir, ô mer ; et toi, Jourdain, pourquoi rebrousser en arrière ; montagnes, pourquoi bondir comme des béliers ; et vous, collines, comme des agneaux[8] ? » D’où vient, ô monde, que tes obstacles sont impuissants ? et vous, fidèles, répandus par myriades sur la terre entière, comment avez-vous renoncé au monde, pour vous tourner vers Dieu ? D’où vous viennent ces transports de joie, vous à qui l’on dira : « Courage, bon serviteur, parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup[9] ? » D’où vous vient votre joie, vous à qui l’on dira au dernier jour : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde[10] ».
10. Tout vous répondra, et vous vous répondrez à vous-mêmes : « La terre s’est ébranlée devant la face du Dieu de Jacob[11] ». Qu’est-ce à dire : « Devant la face du Seigneur », sinon en présence de Celui qui a dit : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles[12] ? » Car la terre s’est ébranlée, en effet, elle qui était demeurée dans une langueur coupable, s’est ébranlée pour être solidement affermie devant la face du Seigneur.
11. « C’est lui qui a changé la pierre en un torrent, et les rochers en une source d’eau[13] ». Lui-même s’est changé en eau, et ce qui en lui était en quelque sorte solide, s’est liquéfié, afin d’arroser ses fidèles, et d’être en eux une source d’eau vive, jaillissant jusqu’à la vie éternelle[14], parce qu’il se montra, surtout d’abord, à ceux qui ne le connaissaient point. De là ce trouble de quelques-uns qui n’attendirent point que le Christ leur ouvrit les saintes eaux de l’Écriture qui les eussent

  1. Mt. 11,28
  2. Jer. 2,27
  3. Phil. 3,13
  4. 2 Cor. 3,18
  5. Ps. 113,4
  6. 1 Cor. 4,14-15
  7. Ps. 28,1
  8. Id. 113,5-8
  9. Mt. 25,21
  10. Id. 34
  11. Ps. 122,7
  12. Mt. 27,20
  13. Ps. 113,8
  14. Jn. 4,14