Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/640

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les imiter, mais encore les fils qui marcheront sur les traces des pères. Voici, en effet, comment leur parle Celui qui les a engendrés à Jésus-Christ par l’Évangile : « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ[1] ». Dieu a donc multiplié, non seulement les montagnes qui bondissent comme des béliers, mais aussi les collines qui bondissent comme des agneaux.
11. C’est donc à tous ceux-là, aux grands et aux petits, aux montagnes et aux collines, que le Prophète s’adresse quand il dit : « Soyez les bénis du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre[2] ». Comme s’il disait : soyez les bénis du Seigneur qui a fait de vous les cieux et la terre, le ciel dans les grands, la terre dans les petits ; mais non ce ciel visible, parsemé d’astres lumineux que nous voyons. « Le ciel du ciel est au Seigneur », qui a élevé l’esprit de quelques saints à de telles hauteurs que nul d’entre les hommes, mais Dieu seul, peut les instruire. Or, en comparaison de ce ciel, tout ce que l’on voit des yeux du corps ne mérite que le nom de terre, et « Dieu l’a donnée aux enfants des hommes[3] », afin qu’en la considérant, ils comprennent autant qu’ils pourront le Créateur, qu’ils ne peuvent découvrir encore que par le moyen de la créature, à cause de l’infirmité de leur cœur.
12. Ces mêmes paroles : « Le ciel des cieux est au Seigneur, et il a donné la terre aux enfants des hommes », peuvent avoir un autre sens que je ne dois point vous dissimuler. Toutefois ne perdons point de vue ce que nous avons dit. Or, les grands et les petits, avons-nous dit, sont désignés dans ces paroles : « Soyez les bénis du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre ». Si donc nous désignons les grands par les cieux, et les petits par la terre, comme les petits en grandissant deviendront des cieux, et qu’on les nourrit de lait dans cette espérance ; ainsi ces mêmes grands, quand ils nourrissent les petits, sont le ciel pour la terre, de manière néanmoins à comprendre qu’ils sont aussi les cieux des cieux quand ils méditent sur l’espérance dont ils nourrissent les enfants. Et toutefois, parce que ces saints personnages ne puisent plus dans un homme ni au moyen d’un homme, mais bien en Dieu, les eaux abondantes et pures de la sagesse, ils ont donné leurs soins à des enfants qui seront un jour des cieux, puisqu’ils sont eux-mêmes les cieux des cieux, et qui sont maintenant la terre à qui ils peuvent dire : « J’ai planté, Apollo a arrosé, c’est Dieu qui a donné l’accroissement »[4]. À ces enfants des hommes dont il a fait des cieux, il a donné la terre pour y travailler, ce même Dieu qui sait pourvoir à la terre au moyen du ciel. Que le ciel et la terre demeurent donc au Dieu qui les a faits ; qu’ils vivent de lui, en le confessant et en le bénissant ; car s’ils veulent vivre d’eux-mêmes, ils trouveront la mort ainsi qu’il est dit : « Un mort, comme ce qui n’est plus, ne confesse point le Seigneur »[5]. Mais « les morts ne vous loueront point, Seigneur », dit le Prophète, « non plus que ceux qui descendent dans l’enfer ». Et dans un autre endroit l’Écriture vous crie : « Une fois au fond de l’abîme du mal, le pécheur n’a plus que le dédain[6] ; mais nous qui avons la vie, nous bénissons le Seigneur dès maintenant et jusque dans les siècles ».

  1. 1 Cor. 4,15-16
  2. Ps. 113B, 15
  3. Id. 16
  4. 1 Cor. 3,6
  5. Sir. 17,26
  6. Prov. 18,3