Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des instruments, des vases du même métal qui nous servent à la célébration de nos mystères, et que l’on appelle sacrés, parce qu’ils sont employés en l’honneur de celui que nous servons dans l’intérêt de notre salut. Or, ces instruments, ces vases, que sont-ils autre chose que l’œuvre de la main des hommes ? Et toutefois ont-ils une bouche pour ne point parler ? Ont-ils des yeux pour ne point voir ? Leur adressons-nous des prières parce qu’ils nous servent à prier Dieu ? La principale cause de cette impiété folle et sacrilège, vient de ce que la forme d’un corps, qui est semblable à un homme vivant, et qui attire les idolâtres à lui adresser des prières, a plus d’effet sur l’esprit de ces malheureux, que l’assurance que cette idole est sans vie, et n’est digue que du mépris des hommes. Ces idoles, parce qu’elles ont mine bouche, qu’elles ont des yeux, qu’elles ont des oreilles, min nez, des mains et des pieds, ont plus de force pour courber une âme vers la terre, que pour la redresser, par cela même qu’elles ne parlent point, qu’elles ne voient point, qu’elles n’entendent point, ne sentent point, ne touchent point, ne marchent point.
7. Il faut dès lors que s’accomplisse la sentence qu’ajoute le Psalmiste ; c’est-à-dire, « Que ceux qui les font leur deviennent semblables, et tous ceux qui se confient en elles[1] ». Avec leurs yeux ouverts et impressionnés, que ces malheureux voient ; et que le cœur fermé et insensible ils adorent des idoles qui ne voient point et qui ne vivent point.
8. « C’est dans le Seigneur qu’a espéré la maison d’Israël[2] ». Or, l’espérance qui voit n’est plus une espérance. Comment, en effet, espérer ce que l’on voit ? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons point, nous l’attendons par la patience[3] ». Mais afin que notre patience dure jusqu’à la fin, « le Seigneur est leur protecteur et leur appui ». Les hommes spirituels, toutefois, ceux qui instruisent les hommes charnels avec un esprit de douceur, qui prient comme des supérieurs pour des inférieurs, ne voient-ils pas déjà, et n’ont-ils pas en réalité ce que les inférieurs n’ont qu’en espérance ? Nullement ; car « la maison d’Aaron, elle aussi, a espéré dans le Seigneur[4] ». Donc, pour avancer avec persévérance vers ce qui est devant eux, pour courir jusqu’à ce qu’ils aient atteint celui qui les appelle[5], et pour le connaître comme ils en sont connus[6], il faut que « Dieu soit leur aide et leur protecteur ». Les uns et les autres « craignent le Seigneur, e espèrent dans le Seigneur, et il est pour eux un aide et un appui[7] ».
9. Ce n’est point nous en effet, qui, par nos mérites, avons prévenu la divine miséricorde, mais bien « le Seigneur qui s’est souvenu de nous et nous a bénis : il a béni la maison d’Israël, il a béni la maison d’Aaron ». Et en bénissant les uns et les autres, « il a béni tous ceux qui craignent le Seigneur[8] ». Quels sont, me diras-tu, ces uns et ces autres ? Le Psalmiste répond : « Les petits et les grands » ; c’est-à-dire la maison d’Israël et la maison d’Aaron, ceux-là mêmes qui, dans cette nation, crurent au Sauveur Jésus : « puisque tous ne furent pas agréables au Seigneur[9]. Mais si quelques-uns n’ont pas cru en lui, leur infidélité anéantira-t-elle donc la fidélité de Dieu ? Loin de là[10] ; car tous ceux qui sont d’Israël ne sont point pour cela israélites ; non plus que tous ceux qui sont de la race d’Abraham, ne sont fils d’Abraham » ; mais selon qu’il est écrit : « les restes seront sauvés ». Car c’est au nom de ceux du peuple qui ont cru qu’il est dit : « Si le Seigneur des armées n’avait réservé quelqu’un de notre race, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe[11] ». Ce reste est donc appelé semence, parce qu’il a été répandu et s’est multiplié dans toute la terre.
10. Or, dans la maison d’Aaron, les grands ont dit : « Que le Seigneur vous multiplie, qu’il ajoute à vous et à vos enfants[12] ». C’est ce qui est arrivé. Voilà que des enfants d’Abraham, suscités d’entre les pierres[13], sont venus se joindre à eux ; voilà que sont venues aussi des brebis qui n’étaient point de ce bercail, en sorte qu’il n’y a plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur[14] : voilà que pour venir à eux les nations ont embrassé la foi, et que s’est accru le nombre, non seulement de sages évêques, mais aussi de peuples soumis ; le Seigneur multipliant ainsi non seulement les pères qui doivent aller à lui dans le Christ, et y conduire ceux qui voudront

  1. Ps. 113,8
  2. Id. 9
  3. Rom. 8,24-25
  4. Ps. 113B, 10
  5. Phil. 3,12-14
  6. 1 Cor. 13,12
  7. Ps. 113B, 11
  8. Id. 12,13
  9. 1 Cor. 10,5
  10. Rom. 3,3
  11. Id. 20,27-29
  12. Ps. 113B, 14
  13. Mt. 3,9
  14. Jn. 10,16