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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/659

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Apôtre faisait-il le mal qu’il ne voulait pas, et comment, d’autre part, n’était-ce point lui qui le commettait, mais le péché qui habitait en lui ? En attendant que nous répondions, une difficulté est déjà résolue, et il devient évident par l’autorité de l’Écriture sainte, qu’il est possible que nous marchions dans les voies du Seigneur, sans être exempts de péché, bien que nous ne le commettions point nous-mêmes. « Ceux qui commettent l’iniquité », c’est bien là le péché, puisque le péché est une iniquité, « ceux-là ne marchent point dans les voies du Seigneur ». Maintenant, comme il faut finir ce discours, réservons pour un autre à expliquer comment c’est l’homme qui commet le péché à cause de ce corps de mort soumis à la loi du péché, et comment il ne le commet point dès qu’il marche dans les voies du Seigneur.

TROISIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118

LE PÉCHÉ DANS L’HOMME JUSTE.

Si saint Paul marche dans la voie du Seigneur, quoique le péché habite en lui, il suit de là que le péché stimule en nous les désirs déréglés, mais que le consentement seul nous rend coupables. Ce péché ne cessera d’habiter en nous que quand notre corps sera devenu immortel. Toutefois, ceux-là mêmes qui sont dans les voies du Seigneur, implorent la rémission de leurs dettes, c’est-à-dire des fautes de surprise, qui sont fréquentes. Les voies de Dieu se résument dans la foi : donc l’incrédulité est le péché de ceux qui ne marchent point dans ces voies. Qu’ils reviennent au Seigneur, et ils trouveront en lui miséricorde et vérité.


1. Cette parole de notre Psaume : « Ceux qui commettent l’iniquité, ne marchent « point dans ses commandements[1] », comparée à cette autre de saint Jean, que « le péché c’est l’iniquité », a soulevé une question difficile à résoudre. Comment les saints qui sont en cette vie peuvent-ils, d’une part, n’être point sans péché, puisqu’il est vrai de dire : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous[2] » ; et d’autre part, marcher néanmoins dans les voies du Seigneur, dans lesquelles ne marchent point ceux qui commettent l’iniquité ? Telle est la question résolue par ce mot de saint Paul : « Ce n’est point moi qui agis de la sorte, mais le péché qui habite en moi[3] ». Comment peut être sans péché celui en qui habite le péché ? Saint Paul est néanmoins dans la voie du Seigneur, dans laquelle ne marchent point ceux qui commettent l’iniquité ; car ce n’est point lui qui commet le mal, mais le péché qui habite en lui. Toutefois, cette question n’est résolue que pour en faire naître une plus grave. Comment un homme peut-il faire ce qu’il ne fait pas ? Car l’Apôtre a dit l’un et l’autre : « Ce n’est point ce que je veux, que je fais » ; et : « Ce n’est point moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi[4] ». D’où il nous faut comprendre que quand le péché agit en nous, ce n’est point nous qui agissons, dès lors que notre volonté n’y donne aucun consentement, et retient même les membres de notre corps, de peur qu’ils n’obéissent à ses désirs. Que peut faire en nous le péché malgré nous, sinon stimuler seulement des désirs déréglés ? mais si nous n’y donnons aucun assentiment, c’est une aspiration soulevée en nous, mais qui n’obtient aucun effet. C’est là le précepte que nous donne saint Paul : « Que le péché ne règne point en votre corps mortel, jusqu’à vous faire obéir à ses désirs déréglés, afin que vous n’abandonniez plus vos membres au péché comme des instruments d’iniquités[5] ». Il est en effet certains désirs du péché auxquels il nous défend d’obéir. Ces désirs opèrent donc le péché, et pour nous, y

  1. Ps. 118,3
  2. Jn. 1,8
  3. Rom. 7,17-20
  4. Rom. 7,16
  5. Id. 6,12-13