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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/658

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accommodons à ce qu’il y a de plus humble[1] ». L’Apôtre ne dit point que nous parlions, il dit que nous nous accommodions, ce qui n’est point l’affaire de la langue, mais celle du cœur. Ainsi donc, ô hypocrite, dire que tu es en péché, sans le croire dans ton cœur, c’est feindre l’humilité au-dehors, et à l’intérieur embrasser la vanité. C’est donc n’avoir la vérité ni dans la bouche, ni dans le cœur. De quoi te servira que tes paroles soient humbles aux yeux des hommes, si Dieu voit l’enflure dans tes pensées ? Que l’oracle divin crie à ton oreille : Loin de toi toute parole orgueilleuse : tu mériterais néanmoins d’être condamné si les paroles de ta bouche étaient humbles devant les hommes, tandis que devant. Dieu les paroles de ton cœur seraient pleines d’enflure. Mais quand il dit formellement : « Au lieu de t’enorgueillir, crains plutôt[2] », il n’est point question ici de langage, mais plutôt de sentiments ; pourquoi l’humilité ne serait-elle point dans le cœur, comme le sentiment est dans le cœur ? L’enflure de l’âme ne couvrirait-elle donc, dans notre langage, qu’une humilité menteuse ? Tu lis, ou plutôt tu entends : « Au lieu de t’enorgueillir, crains plutôt » ; et tu t’élèves dans tes sentiments, au point de te croire sans péché ; et pour ne point en passer par la crainte, tu n’as d’autre ressource que l’orgueil.
2. Mais, diras-tu, pourquoi donc est-il écrit : « Tous ceux en effet qui commettent l’iniquité, ne marchent pas dans ses voies ? » Eh ! les saints du Seigneur ne marchent-ils pas dans les voies du Seigneur ? S’ils marchent dans ses voies, ils ne commettent point d’iniquité ; s’ils ne commettent point d’iniquité, ils n’ont aucun péché ; car « c’est l’iniquité qui est le péché[3] ». Ah ! levez-vous pour me secourir, Seigneur Jésus, et qu’à l’hérétique orgueilleux je puisse opposer l’humble aveu de l’Apôtre. Où est donc cet homme qui fait le vide en lui-même pour n’être plein que de vous ? Écoutons-le, saies frères, interrogeons-le sur cette question, s’il vous plaît, ou mieux, parce qu’il vous plaît. Dites-nous donc, ô bienheureux Paul, si vous marchiez dans les voies du Seigneur, lorsque vous viviez encore en cette chair ? Mais, nous répond-il, pourquoi m’écriais-je alors « Toutefois, marchons dans la voie où nous sommes arrivés[4] ? » Pourquoi dire encore : « Tite vous a-t-il donc circonvenus ? N’avons-nous pas marché dans le même esprit et suivi les mêmes traces[5] ? » Pourquoi dire : « Tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes loin du Seigneur, car nous n’allons à lui que par la foi, et nous ne le voyons pas à découvert[6] ? » Quelle voie nous conduit plus sûrement au Seigneur, que la foi dont vit le juste en ce monde[7] ? Dans quelle autre voie pouvais-je marcher quand je disais : « En tous cas, oubliant ce qui est derrière moi, je m’avance vers ce qui est devant moi, je m’efforce d’atteindre le but, pour remporter le prix auquel Dieu m’a appelé d’en haut par Jésus-Christ[8] ? » Enfin, dans quelle voie pouvais-je courir quand je disais : « J’ai combattu un bon combat, j’ai achevé ma carrière[9] ? » Que ces citations nous suffisent pour montrer que l’apôtre saint Paul marchait dans la voie du Seigneur ; mais interrogeons-le sur un autre point. Dites-nous, ô saint Apôtre, je vous en supplie, quand vous viviez dans la chair, marchant dans les voies du Seigneur, aviez-vous quelque péché, ou viviez-vous sans péché ? Voyons s’il se séduira lui-même, ou bien s’il sera d’accord avec le bienheureux Jean, apôtre comme lui ; car la vérité était en eux[10]. Voici donc sa réponse : N’avez-vous point lu cet aveu que j’ai fait : « Ce que je fais, ce n’est point le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas[11] ? » Voilà ce que nous entendons ; mais demandons ensuite : Comment donc marchiez-vous dans les voies du Seigneur, si vous faisiez précisément le mal que vous ne vouliez pas ; puisque la parole du psaume est formelle : « Ceux qui commettent l’iniquité ne marchent point dans ses voies ? » Écoutons maintenant sa réponse dans la pensée suivante : « Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui agis de la sorte, mais le péché qui habite en moi[12] ». Voilà comment ceux qui marchent dans la voie du Seigneur ne commettent point l’iniquité, bien qu’ils ne soient point sans péché ; car s’ils ne le commettent point eux-mêmes, le péché néanmoins habite en eux.
3. Mais, dira-t-on, comment, d’une part, l’

  1. Rom. 7,16
  2. Id. 11,20
  3. Jn. 3,4
  4. Phil. 3,16
  5. 2 Cor. 12,18
  6. Id. 5,6-7
  7. Rom. 1,17
  8. Phil. 3,13-14
  9. 2 Tim. 4,7
  10. Jn. 1,8
  11. Rom. 7,15
  12. Id. 15-17